• Pour illustrer ce blog, je vais de temps en temps faire des captures d'écran de films anciens. C'est ainsi que j'ai retrouvé un film vieux de près de trente ans : Thérèse, par Alain Cavalier.

     

    thérèse de lisieux,alain cavalier

     

    Le film a de grandes qualités cinématographiques et j'apprécie toujours de pouvoir le revoir. Mais une chose doit être claire dans la tête du spectateur. Le film s'inspire de la vie de Thérèse de Lisieux, il ne la retrace pas avec exactitude. Les scènes traduisent, rendent des réalités vécues par la carmélite lexovienne mais d'une manière évocatrice, imagée. Ce serait un erreur de vouloir reconstituer le quotidien de la jeune religieuse par le biais de ce film.

     

    Par exemple, le réalisateur fond en un seul personnage, deux religieuses différentes en romançant sur leur passé. Il y avait bel et bien une veuve au Carmel de Lisieux, mais elle a survécu à Thérèse. D'un autre côté, la jeune nonne a connu la fondatrice du couvent et a recueilli l'une de ses larmes quand elle est décédée.

     

    Pas de Sr Lucie dans la "vraie vie", mais l'une des sœurs que Thérèse s'était proposée d'aider et dont la compagnie était fuie par "les meilleures", qui considérait cela au-dessus leurs forces, a fini par quitter la vie religieuse à cause de sa neurasthénie. Ce n'est pas cette sœur qui fut écartée de Thérèse, une fois celle-ci malade, à cause de la contagion,  mais une jeune novice qu'elle avait formée et qui lui était très attachée.

    Des paroles prononcées par des personnes différentes se retrouvent dans la bouche de la supérieure, des états d'esprit sont verbalisés dans des dialogues qui résument bien ce qu'il en était mais qui n'ont jamais eu lieu, etc. Le langage est résolument moderne, mais totalement déphasé avec les paroles, et surtout les non-dits, d'usage à l'époque. Le chapelain n'était pas le supérieur hiérarchique des carmélites, et celui-ci n'a jamais dit au père de Thérèse qu'il voulait caser ses filles parce qu'il avait la bougeotte. Mais il est vrai aimait beaucoup voyager. Céline n'a pas fait reproche à ses sœurs d'avoir provoquer la maladie de son père. Mais dans le film, elle exprime les rumeurs qui couraient à Lisieux, à cette époque. En fait, Louis Martin souffrait d'artériosclérose.

    thérèse de lisieux,alain cavalier

     

    Le film ne rend pas la durée de la vie de Thérèse au Carmel, neuf ans, avec ses longueurs, l'exercice de la patience, l'alternance des supérieures, le passage de l'adolescence à l'âge adulte ; Thérèse entre à quinze ans et meurt à vingt-quatre ans. Il prend de grandes libertés avec la chronologie (on ne voit pas de postulat, par exemple).

    Quelques détails anecdotiques. Il était impossible, à l'époque, de s'embrasser à travers la grille d'un parloir. La grille était double avec de petits croisillons et, de plus, elle était hérissée de picots. Les habits des carmélites sont plus ou moins respectés, mais ils sont simplifiés pour les rendre, sans doute, plus esthétiques. Se faire flageller par une autre soeur n'était pas une mortification pratiquée à Lisieux. Par contre, on la retrouve dans la biographie d'une prieure très encline à ce genre de macérations.  Céline n'a jamais eu de fiancé nommé Sébastien et la maladie de Louis Martin est survenue après qu'elle lui ait annoncé d'entrer, à son tour, au couvent. Le cinéaste passe sous silence le "vilain petit canard" de la famille, Léonie, qui a fini par rentrer à la Visitation, après deux tentatives avortées.

    Bref, pour démêler le rendu évocateur et symbolique des faits réels, mieux avoir lu les œuvres complètes de Thérèse, avec toutes ses annotations.

     

    Crédits Photos : Thérèse, Alain Cavalier.


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  •  Comme toujours, l'histoire que vous allez lire est vraie, seuls les noms ont été changés pour préserver la réputation des innocents.

     

    Pour ne pas jeter le discrédit sur un ordre religieux qui a souffert et souffre toujours de la situation, nous l'appellerons ordre de St Ores, un saint qui n'existe pas.

     

    Sr Fausta, soeur orésienne depuis près de vingt ans, a semé le trouble dans plusieurs couvents de Flandres et s'est fait renvoyer d'un autre en Terre Sainte. Elle échoue dans une communauté près de sa fin, joue de son charme et en devient  la supérieure. Elle accueille ses premières novices et impose au couvent un mode de vie déséquilibré. Une relation trouble la lie à l'une d'elle , Alexandra, à qui elle confie prématurément, pas mal de responsabilités. Des novices et une soeur conventuelle préfère quitter le monastère et les premières plaintes parviennent aux oreilles des responsables ecclésiastiques. Pourtant deux jeunes filles , Marie-Noëlle et Martine entre dans ce couvent.

     

     

     Martine entre à saint-Hilaire au courant de l'été 1986. Ses parents, à qui elle avait confié le soin de gérer ses actions en bourse, préfère les donner à Mère Fausta, considérant qu'une dot doit être donnée au couvent.  La religieuse a toujours dit que l'argent qu'une candidate amène en entrant est placé et que seuls les intérêts vont au couvent. Pourtant quand soeur Angeline a rejoint sainte-Barbe, la supérieure a été bien embarrassée pour faire passer cette dot à la nouvelle communauté. Elle a dû procéder par versements successifs. L'argent censé être placé avait été dépensé.

     

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    Mère Fausta a assuré  Martine que le courrier qui arrivait au couvent était rendu tel quel aux religieuses et que les lettres que les sœurs envoyait n'était pas lues. Mais quand elle explique à la jeune postulante comment  certaines petites pratiques du couvent, elle lui raconte que Marie-Noëlle lui donne ses lettres à lire avant de les envoyer, que ce sont ces parents qui lui ont demandé de le faire, qu'elle ne doit pas s'étonner de cela.  Il passe bien par la tête de Martine qu'elle ne s'en serait pas aperçue, qu'elle n'irait pas regarder si les lettres de Marie-Noëlle sont ouvertes ou non. Mais Mère Fausta a une telle aura que l'idée ne fait que traverser son esprit très rapidement. La jeune fille se demande si elle ne devrait pas en faire autant. Mère Fausta assure qu'elle la laisse libre, que cela lui permettrait de mieux la connaître, mais qu'elle fera comme elle veut, et que si un jour elle remet son courrier fermé, après l'avoir remis ouvert, elle ne posera aucune question. Martine décide donc de laisser ses lettres ouvertes, parce qu'elle ne veut pas faire les choses à moitié et qu'elle veut tout donner à Dieu.

     

    Et pourtant, quelques mois plus tard, quand Martine va prendre l'habit, elle envoie un courrier pour  clôturer son dernier compte en banque et le remet fermé, Mère Fausta vient la trouver, elle lui reproche son manque d'ouverture, de faire des choses cachément. Elle l'accuse de ne pas lui avoir parlé d'un courrier de son père spirituel qu'elle a invité à sa vêture. Martine ne pourrait pas lui en parler, pour la bonne et simple raison qu'elle ne l'a pas reçu.  Le discours de la supérieure ne tient pas debout, mais la jeune candidate passe allègrement par-dessus toutes ces contradictions.

     

     

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    Les contradictions sont pourtant nombreuses. Une fois que Martine a pris l'habit, elle voit l'attitude de la prieure changer à son égard. Elle se montre susceptible, colérique, versatile. Alors que le noviciat est consacré à la formation et suppose que la candidate puisse consacrer plus de temps à la prière et à la lecture, Martine et Marie-Noëlle se voient constamment surchargées de travail. On leur en demande plus que de temps dont elles ne disposent.

     

    Bien des fois, Martine voit des choses, des situations, qui lui apparaissent comme anormales, mais elle se tait, elle n'ose rien dire. Mère Fausta lui fait une telle impression qu'il lui serait difficile de la contredire. Et pourtant ... Pour sa fête, Mère Fausta a reçu des cadeaux des sœurs. Sœur Jeanne, âgée et de mauvaise santé, lui a fabriqué une crèche en contreplaqué. Lorsque cette dernière vient au bureau de Mère Fausta alors que celle-ci est en conversation avec Martine, la supérieure se plaint du présent, dit qu'elle ne sait qu'en faire, qu'il lui aurait fallu un cadeau utile. Sœur Jeanne suggère qu'on peut le donner aux frères et sœurs de Sœur Marie-Noëlle, mais la supérieure rétorque sèchement que les enfants d'aujourd'hui veulent "du beau".

     

     

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    Il est évident que Sr Marie-Noëlle n'est pas à sa place dans un couvent, malgré toute sa piété. Cette jeune sœur a trop de tempérament, elle vit sur le nerfs, ne sait pas se plier aux règles, respecter une consigne, un interdit. Son caractère primesautier se heurte souvent à celui de sa maîtresse des novices et à celui, plus colérique, de Sr Alexandra. Pourtant Mère Fausta ne manque pas de la laisser sous la responsabilité de cette dernière, en ce qui concerne le travail. Les deux nonnes se disputent le plus clair de leur temps.

     

    Ces disputes prennent des allures de scènes violentes, au point verbal. La Mère Fausta, sous couvert d'aider à comprendre l'autre, distille sournoisement des informations peu valorisantes d'une soeur à une autre. Manquant à la plus élémentaire discrétion, elle révèle lors d'entretiens privés des détails recueillis sous le sceau de la confidence, concernant la vie et la famille des novices. Mais elle enrobe si bien les choses et la fascination qu'elle exerce sur ses jeunes recrues est telle qu'elles ne se récrient pas en entendant de telles indiscrétions.

     

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    Loin "d'aider à comprendre" ces détails indiscrets sèment la suspicion et le discrédit entre les sœurs, surtout les plus jeunes. Ils entretiennent un climat de suspicion et d'hostilité, favorisent la délation de menus manquements. Sr Martine se croit obligée d'avouer tout ce qui lui tape sur les nerfs dans le comportement de Sr Marie-Noëlle alors qu'elle n'aurait tout simplement ignorer pas mal de choses, si Mère Fausta n'avait insidieusement porté son attention sur les petits côtés de sa compagne de noviciat. 

    Lors de ses frottements avec cette novice qui la prend parfois en défaut, Mère Fausta proteste souvent de son "humilité", un mot qui lui revient souvent à la bouche, pourtant le fait est qu'elle ne supporte pas la contradiction. Très souvent, elle met en avant que, selon les termes de la règle, Dieu l'a placée à cette place et qu'il a dit aux chefs des Eglises "qui vous écoute, m'écoute". Elle tient donc que sa parole est "parole de Dieu" et que ne pas l'écouter, la prendre au sérieux est un manque de foi. Et cela qu'il s'agisse de choses spirituelles comme d'autres, des plus banales comme de déplacer un vase ou d'ouvrir une porte. Si une sœur oublie l'une de ses recommandations, comme de mettre tel ingrédient dans la soupe, il s'agit donc, pour Mère Fausta, d'un manque de foi.

     

     

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    Une sœur prend-elle une initiative, sans la consulter, parce qu'il s'agit d'une chose ordinaire, qui lui semble aller de soi ? Elle manque à l'obéissance, parce qu'elle n'a pas demandé l'avis de la supérieure. Mais si la sœur prend la peine de la consulter pour ce genre de détail insignifiant et qu'elle la dérange lorsqu'elle est en train de travailler,  cette sœur est un bébé, une irresponsable, on ne peut pas compter sur elle. Mère Fausta est quelqu'un avec qui on ne sait jamais sur quel pied danser et avec qui on se demande toujours si on fait bien ou mal en agissant comme ceci ou comme cela.

     

    Mère Fausta sait toujours mieux que vous ce que vous pensez et ce dont vous vous souvenez. Elle fait une scène à une novice parce qu'elle ne trouve pas un numéro d'une revue religieuse dans la bibliothèque du noviciat dont cette sœur est responsable. Elle a abonné le noviciat à cette revue, dit-elle haut et fort, mais la novice qui est là depuis près deux ans n'en a jamais vu aucun exemplaire. Elle hausse le ton, menace d'aller chercher la souche du bulletin de virement. La novice bredouille : elle n'a aucun souvenir d'avoir reçu cette revue. Mère Fausta la gronde en l'accusant de n'avoir pas d'ordre, puis s'en va, mécontente. 

     

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    S'il est bien un calvaire pour Sœur Martine et Sœur Marie-Noëlle se sont bien les répétitions de chant. Non seulement elles se prolongent à l'infini, sans le souci du respect de l'horaire — Mère Fausta n'a aucun scrupule à empiéter sur l'heure où l'office doit commencer, tant pis pour le reste de la communauté qui l'attend respectueusement pendant parfois plus de vingt minutes — Mais en ce domaine aussi Mère Fausta prétend en connaître plus que ses deux novices. Pourtant l'une et l'autre ont accompli leur cursus de solfège en entier et joue chacune d'un instrument. La prieure argue de son approche "priante" du chant pour ne pas respecter une partition. Elle prend ses libertés avec la mélodie, les autres n'ont qu'à la suivre et retenir celle qu'elle veut chanter. Quant au rythme, elle ne sait pas trop de quoi il s'agit. 

     

     Crédits photos : La religieuse, Rivette ; Sister Act ; femmez et religieuses (captures d'écran).

     

    Episode 1 , épisode 2épisode 3épisode 4épisode 5,  épisode 6,  épisode 7,

    épisode 8, épisode 9

     


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  • 23/12/2013

     

    Plusieurs articles sur la toile ont fait, il y a peu, état de dissensions dans un institut assez récent : les soeurs contemplatives de St Jean. Au cours des années septante, un petit groupe d'étudiants se regroupent autour d'un dominicain, le père Marie-Dominique Philippe, pour lui demander d'être leur accompagnateur spirituel et de les former à la vie religieuse. Plutôt que de les orienter vers des formes de vie religieuses déjà existantes, parce que les premiers concernés ne s'y sentent pas appelés, le dominicain se trouve amené, un peu malgré lui, dit-il, à fonder une nouvelle congrégation, la communauté St Jean.

     

    A l'heure de l'aggiornamento, la congrégation se distingue par son retour aux "vieilles recettes" : port de l'habit, candidats très jeunes, sermons sur l'enfer, etc. Cela fait parfois froncer les sourcils des vieux de la vieille, d'autres ordres et congrégations. Certains scandales vont par la suite, secouer cette nouvelle famille religieuse, mais je ne vais pas m'y attarder.

     

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    Au début des années quatre-vingts, on voit surgir une branche féminine apostolique, qui adopte également  un habit d'un autre âge, puis c'est au tour d'une branche contemplative féminine de voir le jour. Chez les sœurs également, des rumeurs de dysfonctionnements voient le jour et finissent par trouver un écho dans la presse et les mouvements anti-sectes. On parle de négligence en ce qui concerne les santés des sœurs, d'un attachement trop grand au fondateur ou aux fondatrices et de manipulation des consciences.

     

    Le fait est que le vieux dominicain, qui est resté dans son ordre, a du mal à passer le relais. Il faudra que Rome intervienne pour que le nonagénaire laisse le gouvernement de la congrégation au premier prieur général élu. Pour en revenir aux sœurs contemplatives, les choses prennent de telles proportions que l'autorité ecclésiastique décide d'intervenir. 

     

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    Je cite ici wikipedia :

     

    "Sœur Alix, fondatrice et prieure générale depuis 1982, est limogée en juin 2009 par décret du cardinal Philippe Barbarin pris en accord avec le Vatican et remplacée par une autre sœur. Cette décision choque alors de nombreuses sœurs, mais aussi des frères de la communauté estimant que sœur Alix était une supérieure hors pair. La nouvelle prieure générale, sœur Johanna, rencontre alors de grandes difficultés à faire accepter sa nomination. En novembre 2009, le Vatican nomme un premier commissaire pontifical auprès de l'Institut des sœurs contemplatives de Saint-Jean, Monseigneur  Bonfils, lequel démissionne, ne sachant pas comment résoudre ce conflit. Le 11 mars 2011, la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée le remplace par Monseigneur  Brincard, évêque du Puy, lequel est nommé assistant religieux pour les frères de Saint-Jean et les sœurs apostoliques de Saint-Jean et commissaire pontifical pour l'Institut des sœurs contemplatives de Saint-Jean.

     

     

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    Benoît XVI renforce encore l’autorité de Monseigneur Brincard auprès des sœurs contemplatives de Saint-Jean en le faisant nommer le 25 février 2012 par décret de son secrétaire d’État, Monseigneur Bertone, comme son « délégué pontifical », c'est-à-dire qu'il est chargé de gouverner l'Institut des sœurs contemplatives en son nom.

    Après une première tentative en 2010 au Mexique, une centaine de novices et de professes simples fondent une nouvelle association publique de fidèles, dénommée « Sœurs de Saint-Jean et Saint-Dominique », le 29 juin 2012 à Cordoue. Des professes perpétuelles, qui voulaient faire de même, mais qui étaient liées par leurs vœux, n’ont pas eu l’autorisation d’aller fonder ailleurs. Le cardinal Bertone dissout cette association « dissidente » par rescrit le 10 janvier 2013. Les recours présentés par des sœurs contre les décisions de Monseigneur Brincard en février 2012 sont également rejetés le même jour pour manque de fondement juridique."

    Source

    Le journal La Croix fait état d'une véritable désertion des effectifs. Vous verrez, sur la toile, des personnes prendre la défense de la fondatrice et d'autres justifier les mesure prises contre elle. Une chose doit être claire : personne ne sait ce qui se passe derrière les murs d'un couvent si ce n'est ceux qui y vivent. Côtoyer une communauté, aller y voir un membre de sa famille n'est pas une raison suffisante pour pouvoir démêler le vrai du faux. Là où une communauté connaît des dysfonctionnements, elle s'arrange très bien pour que ça ne rien laisser paraître et elle sait comment donner le change face aux personnes de l'extérieur.

     

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    Mais les faits énoncés plus hauts parlent d'eux-mêmes. Quand une supérieure est déposée, cela peut arriver, son rôle est de rentrer dans le rang et d'épauler celle qu'on a nommée à sa place, en encourageant celles qui hésiteraient, à obéir à la nouvelle supérieure, même si elle pense que celle-ci n'est pas la bonne personne. Il en est de même pour les maîtresses des novices. On entre dans une famille religieuse pour suivre le Christ, pas un être humain et le supérieur hiérarchique sur terre, de n'importe quel nonne, c'est le pape. Le fait que les candidates aient identifié le charisme de leur institut à une personne, qu'une dissidence ait émergé au point de vouloir contourner artificiellement les décisions romaines signe tout simplement la réalité des dysfonctionnements.

     

    Le journal La Croix nous informe qu'on a élargi la formation en l'ouvrant à d'autres enseignements que celui des fondateurs, quoi d'étonnant à cela ? Il en va ainsi partout ailleurs. Les bénédictins lisent autre chose que la règle de St Benoît, les cisterciens n'avalent pas que du Bernard de Clairvaux et les carmélites ne se limitent pas à Thérèse d'Avila. En quoi cela toucherait-il au charisme de l'institut ?

     


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  • nonnes-gifs-animes-0580616.gif

     

    En surfant sur la toile, je suis tombé sur un "témoignage" intitulé comme plus haut. Les sites qui le publient sont pour la plupart dans la mouvance protestante-évangélique. Le vocabulaire est assez typique, on y parle par exemple d''évangile intégral", ce qui ressemble à une mauvaise traduction de "plein évangile".

     

    Certaines de ces Eglises confessantes — je dis bien "certaines", je ne fais pas d'amalgames— se montrent parfois très acides vis à vis de l'Eglise qui tient le haut du pavé dans nos contrées et sont promptes à mettre en épingles ses "erreurs" ou ses dérives.

    Le témoignage que l'on nous présente comme celle d'une ancienne carmélite est remplie d'erreurs évidentes ou d'à peu-près qui font soupçonner un profond remaniement d'un témoignage de départ.

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    J’avais 23 ans et je fus reçue au Carmel de Beaune en Côte d’Or. Pendant la première année sur les deux que j’y passais

    Je crus posséder cette paix à laquelle j’aspirais, mais elle fut de courte durée…

     

    Je relève ici le saut à la ligne et la majuscule. Cette erreur de typographie qui donne à penser que le témoignage n'est pas de première main. Au passage que la communauté citée a été dissoute en 2001

    Puis ce fut la « prise d’habit », cérémonie très émouvante où je fus habillée en blanc, en épouse de Christ, mais hélas dans l’erreur. 

    L'usage de s'habiller en blanc pour une prise d'habit a été abandonné dans nos contrées dans les années 70-80, où la cérémonie est devenue très discrète, sauf dans les milieux conservateurs.

     

     

    Au Carmel, on est à l’essai pendant deux ans, pour voir si l’on supporte une règle si dure.

    La suite du récit laisse à penser que l'expérience a été vécue avant les réformes conciliaires. Or à l'époque, on faisait six mois de postulat, un an de noviciat et trois ans de vœux temporaires. La règle du Carmel, en soi, n'est pas si dure, ce sont les usages qui rendaient la vie assez austère et ceux-ci se sont assouplis avec le temps.

     

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    Ce couvent est une véritable prison avec ses barreaux. Nous étions 30 à y vivre.

    Les barreaux et les grilles frappaient, en général davantage les visiteurs que les sœurs elles-mêmes. Les nonnes ne voyaient ces grilles qu'au parloir et qu'au chœur, pendant la messe, soit trois quarts d'heure par jour.

    Le nombre maximum de nonnes pour un Carmel et de vingt et une. On ne le dépasse que lorsqu'on prévoit une fondation.

     

    Nous devions nous soumettre à de nombreuses mortifications: les religieuses sont invitées à se frapper dans le dos avec un fouet jusqu’à ce que le sang coule;

    Comme je l'ai expliqué ailleurs, la discipline se donnait durant le temps de certaines prières, et pas sur le dos, sur l'arrière-train. Le but n'était certainement pas de faire couler le sang. Et lorsque cela arrivait, les nonnes étaient obligées de le signaler à leur supérieure qui les dispensait alors de cette pénitence jusqu'à ce que l'écorchure soit cicatrisée. En fait, ce genre d'accident ne se produisait généralement que durant la semaine sainte où les séances de discipline se prolongeaient durant des psaumes supplémentaires.

     

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     certaines religieuses se mettaient un cilice, c’est à dire un cercle de fer garni de pointes à l’intérieur que l’on se met autour de la taille sur la peau et qui meurtrit douloureusement.

    On dirait vraiment une mauvaise traduction de l'anglais. Le cilice n'est pas un cercle de fer, c'est une ceinture de crin. Le cilice de chaîne ou chaîne, comportait des maillons se terminant par des crochets et non de pointes de fer. Une ancienne carmélite ne ferait pas de telles descriptions erronées. De plus, les pénitences des novices n'étaient introduites que progressivement.

     

    La règle était très austère: 40 jours de jeûne par an,

    Le jeûne monastique est une pratique commune à tous les ordres contemplatifs, il est bien mentionné par la règle, mais il est également mentionné par d'autres règles. Il commence le 14 septembre, à la fête de l'exaltation de la sainte croix et se termine le jour de Pâques. La mention de 40 jours ne peut se rapporter qu'au carême, dont le jeûne était imposé à tous les catholiques et pas seulement aux nonnes et aux moines.

    Le jeûne consistait à ne prendre qu'un repas consistant par jour après vêpres et une collation le soir, on ne mangeait rien le matin. Pour rendre ce régime supportable, on avançait l'heure des vêpres en carême où la collation était réduite par rapport à celle prise durant le jeûne monastique. On ne jeûne pas les dimanches et jours de fête, ni avant l'âge de 21 ans. Pendant le carême, les œufs et les laitages étaient proscrits.

     

     

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    obligation d’observer un silence complet (nous avions tout au plus le droit d’échanger quelques mots après le repas de midi),

     

    Les constitutions prévoient deux récréations après les repas de midi et du soir et celles-ci duraient environ une heure. On est loin de "quelques mots".

     

    le lever était fixé à 4 heures du matin,

    Pas du tout. Le lever avait lieu à 4h45 en été, où on pouvait faire une sieste, et à 5h45 en hiver, où on ne faisait pas de sieste. Ce site, consacré à Thérèse de Lisieux, vous donne l'horaire d'une carmélite, avant l'aggiornamento du concile Vatican II.

     

    Heureusement que le ridicule ne tue pas :

    La petite Thérèse de Lisieux, une âme sincère déclarée sainte après sa mort, et dont on a fait une véritable idole, a beaucoup souffert du froid, entrée au couvent du Carmel à l’age de 15 ans, elle est morte à 24 ans, tuberculeuse, des privations et la dureté du régime auquel elle avait été soumise; avant de mourir, elle déclara: « il est faux de tenter DIEU jusque là »; elle passa par les mêmes épreuves de foi que moi, mais parce qu’elle avait prononcé déjà des voeux définitifs, elle n’eut pas la permission de sortir, malgré son désir.

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    Oh, le grand n'importe quoi ! Disons plutôt que Thérèse de Lisieux, admise beaucoup trop jeune au couvent, a cédé à la tentation de la générosité en déclarant, tout de go, qu'elle n'avait besoin de rien, au lieu d'avouer à sa maîtresse des novices combien elle avait froid. Elle n'a pas jeûné avant l'âge de 21 ans. Et elle n'a jamais eu, non plus, l'intention de quitter le couvent, on se demande comment on peut proférer de pareilles inepties. Elle était heureuse de mourir carmélite.

    Quant à avoir la permission de sortir du couvent, d'autres sœurs de sa communauté qui avaient déjà prononcé leurs vœux définitifs ont obtenu leur sécularisation. La fin du XIXe siècle, c'est la république laïque, pas l'Ancien Régime. 

    Au fait, avez-vous relevé la faute de français  "Il est faux de tenter Dieu" ? Thérèse Martin n'est sans doute pas un ponte de la littérature française, mais elle s'exprimait dans un français correct.

     

    Moi non plus, je ne supportais pas ce régime et tombai malade par la grâce de DIEU, le docteur exigea que je sorte du couvent quelques jours avant que je doive prononcer des voeux définitifs.

    Ce qui infirme le fait qu'elle y aurait passé deux ans. Il faut au minimum quatre ans et demi avant de faire sa profession perpétuelle.

     

     

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    Un jour, en me promenant, je suis entrée dans une chapelle où l’on annonçait l’Evangile intégral. 

    Encore un signe de tripatouillage de texte qui sent la mauvaise traduction. On ne prononce pas l'évangile intégral dans une chapelle, mais le plein évangile dans une église ou un temple. Quoi d'étonnant quand les sites proposant ce "témoignage" font références à des pasteurs étasuniens.

     

    Mes conclusions : à la base, un témoignage sincère d'une expérience qui ne s'est peut-être pas passée obligatoirement en France, qui a été, par la suite, grossièrement déformé. Soit il s'agit d'un témoignage américain qui a été maladroitement adapté à la France, soit il a été d'abord traduit en anglais puis mal retraduit en français. Quoiqu'il en soit, une personne peu scrupuleuse en a rajouté de son cru pour des besoins de propagande, ce qui fait perdre à ce "témoignage" pas mal de crédibilité.

     

    Crédits photos : capture d'écran films : Le dialogues des carmélites ; Le miracle ; Le Narcisse Noir.

    Photos libres de droits. Photo-libre.fr


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  • Une série britannique très sympathique passe pour le moment sur nos écrans, Meurtres au paradis (Death in Paradise) où un inspecteur psychorigide, parachuté dans une île des Caraïbes doit résoudre des énigmes policières avec des moyens réduits. Nous retrouvons dans le rôle de Sœur Anne, Gemma Jones, une figure connue du cinéma britannique. Elle a interprété Mrs Dashwood dans Raison et Sentiments et Poppy Pomfresh dans Harry Potter. Cet épisode-ci tient pas mal la route, même si un regard averti relève certaines incohérences. Elles restent minimes par rapport à certaines énormités qu'on peut relever dans d'autres oeuvres du genre.

     

     

     

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    Le dernier épisode Faux semblants (An Unholy Death) mettait en scène le meurtre d'une jeune postulante. On l'appelle Thérèse, les religieuses n'utilisent pas le mot "sœur" pour parler d'elle. Cela est tout à fait normal puisqu'elle est postulante. Une postulante n'est pas encore religieuse à proprement parlé, elle le devient en commençant son noviciat et prend à ce moment un nom religieux, même si elle garde son nom de baptême, on l'appellera "sœur".

    Pourtant, au cours de 'l'épisode, on parlera d'elle comme d'une novice, en maintenant une certaine confusion entre les deux états. Une postulante est prise en charge, la plupart du temps, par la responsable du noviciat, mais elle n'est pas encore novice. Le noviciat débute par la prise d'habit, là où il y en a un. Donc petite erreur : Thérèse ne devrait pas porter l'habit de sa congrégation. Elle peut porter des vêtements spécifiques à son état, mais pas les mêmes que les autres sœurs. La seule différence qu'ont faite les costumiers se situe au niveau du voile. Celui de Thérèse n'a pas de bord blanc.

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    Au passage, l'actrice qui interprète Sœur Marguerite a une légère touche de rouge à lèvres.  S'il est normal que les actrices soient maquillées, pour des raisons techniques, on aurait pu ce maquillage plus discret. Puisqu'on en est au niveau des costumes, la supérieure porte une guimpe alors que les autres sœurs n'en ont pas. Ce détail est tout à fait incohérent. La supérieure d'un couvent ne se distingue pas des autres sœurs au niveau vestimentaire. Elle peut porter une croix abbatiale, si elle est abbesse, mais ça se limite à ça.

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    La postulante meurt, intoxiquée par la fumée d'une cigarette et on apprend qu'elle fume, qu'elle mâche des chewing-gum et qu'elle boit de l'alcool, qu'elle a contracté cette mauvaise habitude à l'orphelinat où elle a été élevée ... Ah ! Ce cher orphelinat ... qui n'existe plus dans nos contrées.  Bon nombre de scénaristes semblent  ignorer que, de nos jours, un enfant sans famille ou enlevé à sa famille est placé en famille d'accueil ou alors en foyers de l'enfance. La pauvre orpheline, éduquée en institution qui ne pourrait pas faire face à la vie et se réfugie dans un couvent ... ça ne tient pas trop la route, au XXIe siècle.

     

    Une postulante qui fume, est-ce plausible ? Au risque d'en choquer certains, je dirais oui. Pas n'importe où, pas dans n'importe quel couvent. Mais que, dans certains instituts on permette à des postulants ou postulantes de ne pas se défaire tout de suite de certaines habitudes, qu'on leur laisse une certaine latitude, sous certaines conditions, c'est plausible. Le chewing-gum est un détail à côté de l'habitude de fumer. Quant à l'alcool, cela pose question.  Mais on ne donne pas de détails qui permettrait de relativiser. Évidemment, boire seule, hors de question. Mais se permettre un petit verre dans certaines occasions, cela peut se faire. Les religieuses ne se vouent pas à l'abstinence totale de boisson alcoolisée.

     

    Une autre incohérence fréquemment relevée dans les scénarii du genre, c'est que le Père John serait habilité à laisser cette latitude à la jeune personne. La formation des candidates ne relève pas de la compétence du chapelain ou de l'aumônier. Son rôle est de dire la messe, éventuellement de confesser, mais certainement pas de donner des permissions aux postulantes et aux novices. Cela revient à la maîtresse des novices.

     

    Contrairement à ce qu'affirme le Père John, dans cette série, une postulante ne renonce pas à tous ses biens, ni à tout contact avec l'extérieur. Le renoncement aux biens ne se fait qu'à la profession. L'entrée au postulat, ou en religion, n'entraîne pas une rupture de contact totale. Si c'était le cas, il faudrait être particulièrement vigilant sur la nature de l'institut.

     

    Penchons-nous sur la source miraculeuse qui n'en est pas une. Des sœurs ou des ecclésiastiques peuvent-ils en arriver à mentir pour faire croire qu'une source est miraculeuse ? Les religieux et les ecclésiastiques sont des gens comme les autres, ni plus saints, ni plus pervers que le reste des individus qui habitent le vaste monde. On y rencontre aussi des personnes enclines à l'exagération et même des personnes qui n'ont pas de scrupules à "arranger" la vérité. Restons lucides.

     

    Des difficultés financières peuvent-elles amener à fermer un couvent ? Oui, s'il ne s'agit pas de simples difficultés mais d'une catastrophe financière. Mais ce n'est pas la raison la plus courante pour fermer une communauté. Dans une congrégation, la solidarité joue entre les différentes implantations, puisqu'il y a un organe central pour redistribuer les rentrées financières. On peut aussi fermer une maison où il y a de grosses rentrées financières parce que la communauté devient trop âgée et ne parvient plus à gérer un flux de pèlerins, ça s'est déjà vu.

     

    Le cas du Père John ne tient pas debout, est-il religieux ou séculier ? Pourquoi l'aurait-on éloigné d'un amour de jeunesse, s'il n'était pas encore clerc à l'époque. S'il est religieux, le diocèse n'a pas à l'envoyer à l'autre bout du monde et s'il est séculier ... non plus, puisqu'un évêque ne peut pas envoyer un prêtre de son diocèse dans un autre, comme ça lui chante.  Si le Père John est séculier, il n'a pas non plus à changer de nom.

     

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    Attention spoilers, si vous n'avez pas vu l'épisode, ça va vous dévoiler une partie de l'intrigue !Rigolant

    Une nonne qui commet un meurtre, c'est possible ? Eh bien oui. Ce n'est pas courant, c'est vraiment exceptionnel, mais même à notre époque, ça peut arriver.  Dans les années septante, une religieuse flamande, Sr Godfrieda (C.Bombeek) a escroqué, maltraité et euthanasié des personnes âgées. Elle a été ensuite internée pour démence. Dans les années 2000, en Amérique latine, une maîtresse des novices a empoisonné une religieuse dont elle était jalouse.

     

    Cet épisode se rencontre sans ennui, et les erreurs concernant la vie religieuse qu'on peut y rencontrer sont minimes. L'intrigue peut tenir la route et l'atmosphère conventuelle est pas mal rendue.

     

    Crédits photos : BBC.co.uk

     

     


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