• Chronique de dérives en cascade épisode 13. Conservatisme ou ouverture ?

    Épisodes précédents : Sr Fausta, soeur orésienne depuis plus de vingt ans, a semé le trouble dans plusieurs couvents de Flandres et s'est fait renvoyer d'un autre en Terre Sainte. Elle échoue dans une communauté près de sa fin, joue de son charme et en devient  la supérieure. Elle accueille ses premières novices et impose au couvent un mode de vie déséquilibré. Quand des novices et une sœur conventuelle quittent le monastère, les premières plaintes parviennent aux oreilles des responsables ecclésiastiques.Pourtant le monastère continue à accueillir des candidates qui se trouvent confrontées au caractère manipulateur de leur supérieure et maîtresse des novices. Âpre au gain, elle se lance dans des projets grandioses d'agrandissement et embellissements des bâtiments. Elle développe une liturgie splendide mais trop lourde pour le mode de vie du couvent. Par ailleurs, elle néglige la santé de ses sœurs , se montre  jalouse de ses jeunes candidates et développe une curiosité malsaine dans leur façon de vivre la chasteté. Les personnes qui se présentent au noviciat sont accueillies avec complaisance et sans trop de discernement quant à leurs aptitudes et leurs motivations. C'est qu'à l'intérieur du couvent, il n'y a qu'une loi, la sienne et elle varie selon ses sautes d'humeur.

     

    Conservatisme ou ouverture ?

     

    À l'époque où Mère Fausta réside au monastère de St Hilaire, l'ordre est traversé par une crise. En effet, suite au concile Vatican II, les constitutions des orésiennes ont été mises à jour. Un groupe de religieuses polonaises les trouvent trop laxistes et se réclament de la sévérité de leur fondatrice, sainte Bertrade. Sous l'égide de Mère Leokadia, supérieure du couvent de sainte  Stanislawa, elles rédigent un directoire à adjoindre au texte approuvé par le saint siège. Ces orésiennes rencontrent un vif succès en Europe centrale et des contrées conservatrices.  On appelle familièrement ce mouvement "les  Stanislawa". Leur but est de faire approuver le directoire et de le rendre contraignant. La majorité des soeurs orésiennes le rejettent, le trouvant obsolètes et peu adapté au temps actuels. 

     

    Enfin de compte, on laisse le choix aux différents couvents orésiens. La plupart ne veulent rien adjoindre aux constitutions, une minorité opte pour le directoire de Stanislawa et forme une nouvelle congrégation au sein de l'ordre. Mère Fausta a une position claire depuis le départ. Elle se démarque ouvertement du conservatisme, des us et coutumes auxquelles elle a été contraintes durant sa formation, les génuflexions, les courbettes, les grilles garnies de piques, les tours, ces armoires cylindriques pivotant sur un axe qui servaient à faire passer des objets de l'autre côté de la clôture. Elle s'en moque et s'en rit. Ce n'est pas pour notre temps, affirme-t-elle. Son couvent ne rejoindra pas les Stanislawa.

     

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    Ce conservatisme, Mère Fausta le décrie également quand un groupe de prêtres s'installe dans la région, arborant des soutanes et des usages disparus depuis une vingtaine d'années. Mère Fausta s'en rit et plaint les curés des environs. Pourquoi rendre la religion rébarbative en prenant des airs compassés et en déterrant des rites surannés. Cela ne peut qu'éloigner les gens de la pratique, cela ne va pas remplir les églises, assure-t-elle.

     

    Elle invite les membres du conseil de l'association orésienne de la province à tenir l'une de leur réunion à St Hilaire. Mère Euphrasie, supérieure de Sainte-Gudule s'étonne de ne pas voir de grilles au chœur, pas même une barrière. Elle ne manque pas de rapporter l'incident en communauté pour s'en moquer. Quand paraît un nouveau document sur la clôture qui demande une séparation matérielle entre le chœur des sœurs et le reste de la chapelle, elle fait mettre une barrière ... entre les fidèles et le sanctuaire (l'endroit où se tient le prêtre pour dire la messe). Pas question de revenir au temps où l'on assistait à l'eucharistie à travers une grille et un voile.

     

    Cependant tel  Janus, Mère Fausta affiche un double visage. Lentement mais sûrement, elle rétablit certaines cérémonies vieillottes, qui avaient été supprimées une quinzaine d'années auparavant. Ainsi, les sœurs devront s'agenouiller avant l'office et baiser la terre au signal donné, avant de se relever pour prier la liturgie des heures. Elle impose aux novices de rester le premier quart d'heure à genoux, sans pouvoir s'asseoir sur les talons lors de la méditation. On voit les colonnes vertébrales se tordre durant cet exercice d'un autre âge et la plupart des jeunes nonnes sont davantage distraites par cette position inconfortables qu'appliquées à la méditation.

     

    Aux mêmes novices, elle loue discrètement les anciennes pratiques d'ascèse comme le port d'instrument  de pénitence : croix à pointes et même chaîne de fer. Elle vante si habilement les vertus de la discipline qu'on ne se donne plus à St Hilaire depuis belle lurette, que les jeunes nonnes se pensent obligées de lui en réclamer une pour se l'administrer.

     

     

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    Durant un carême, elle persuade les nonnes de reprendre les pénitences au réfectoire. Les plus âgées qui n'ont plus la souplesse nécessaire à la gymnastique se contenteront de porter, tour à tour, symboliquement une croix grandeur nature en bois léger. Les plus jeunes baiseront les pieds de toutes les sœurs. Fort heureusement, elle ne réitérera pas l'expérience l'année suivante, sans doute consciente que les nouvelles recrues, d'un âge plus mûr serait rebutées par ce genre de pratiques.

     

    Par contre, elle remet en usage, à la même période liturgique, l'usage du chemin de croix. A chaque novice de proposer tour à tour, au noviciat, une méditation pour chaque station. Celle-ci sera pompée de l'un ou l'autre livre de piété obsolète. Quand sœur Martine propose de simples phrases de l'évangile ou de la bible, elle se fait fusiller du regard.

     

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    D'ailleurs, se montrer trop appliquée à nourrir sa foi de livres solides est considéré comme de la présomption et de l’orgueil. Elle interdit à une novice de lire les pères de l’Église. Qu'elle attende donc d'être capitulante, qu'elle se contente de livres qui s'étalent dans une piété mièvre et sentimentale. Ce genre de bouquins, achetés régulièrement en grand nombre, remplissent la bibliothèque qu'on a bien eu soin d'agrandir. Les ouvrages traitant de révélations privées, dans la vague charismatique s'accumulent d'ailleurs sur les rayonnages.

     

    Les apparitions de la vierge dans le village yougoslave sont tenues pour argent comptant. C'est sur cette base que Mère Fausta "propose" un jour de jeûne par semaine à toute la communauté, où l'on ne prendra que de la soupe et du pain sec. Seule sœur Jacinthe se rebiffe et réclame son assiette. Mais comme elle est âgée, Mère Fausta la fait passer pour à moitié sénile et lui accorde un repas normal. Quand la conférence des évêques décrétera que rien ne permet de tenir pour surnaturel ce qui se passe dans ce coin de Bosnie-Herzégovine, Mère Fausta dira à la communauté qu'ils ont reconnu les apparitions.

     

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    Quoiqu'il en soit, Mère Fausta se pense investie de la mission de relever l'esprit de l'ordre à saint Hilaire et elle ose dire des autres couvents de la province qu'ils n'ont pas compris quel était son charisme. Elle est convaincue d'incarner ce charisme et de savoir comment mener sa barque pour faire de son couvent un vrai monastère de St Orès.

     

     Crédits photos : photos personnelles, discipline : dessin d'après capture d'écran.


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