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La nonne dans la mythologie télévisuelle. Episode 2
Cette fois-ci , c'est au tour d'Enquêtes réservées de phantasmer sur les carmélites. (Au nom du père)
Le costume est, dans l'ensemble, bien respecté, c'est déjà un bon point. On commence par voir une nonne qui va chercher de l'argent au distributeur de billets. Un peu curieux, car rien n'indique qu'il s'agit d'une soeur tourière. Soit, on apprend plus tard qu'elle était économe. En général, on fait plutôt venir le banquier au couvent. La soeur est assassinée. La gendarmette explique qu'il n'a pas été facile d'avoir un rendez-vous avec la supérieure. Puis elle ajoute que les carmélites ont fait voeu de silence. Un voeu de silence qui n'a jamais existé que dans les délires féconds des légendes urbaines.
Les gendarmes frappent à la porte — à croire qu'une soeur se tient en permanence derrière dans l'attente d'un possible visiteur — une novice ouvre un judas puis fait entrer les gendarmes à l'intérieur du couvent même. Elle ne desserre pas les dents quand on l'interroge à cause du prétendu voeu de silence. La supérieure répond aux questions des gendarmes dans les cloîtres où ils rencontrent le confesseur. Ce confesseur est omniprésent et se promène un peu comme il veut dans le couvent. Et chaque fois que les gendarmes se rendent dans ce monastère, ils l'y rencontrent.
Beaucoup d'erreurs en peu de temps. On ne fait pas entrer les visiteurs à l'intérieur du monastère, la partie réservée aux nonnes, qu'on appelle "clôture". Les visiteurs sont reçus au parloir. Si les gendarmes veulent entrer en clôture, ils ont besoin d'un mandat. Par contre, soyez sûrs que si une soeur venait à être assassinée, la supérieure recevrait les enquêteurs séance tenante, sans rendez-vous, quitte à se libérer des obligations de l'horaire conventuel.
On ne confie pas non plus à une novice la charge d'aller ouvrir la porte. Et naturellement, il y a une sonnette à la porte, souvent même un parlophone. Ouvrir la porte, c'est le rôle de la tourière, celle qui est chargée des rapports avec l'extérieur et d'accueillir les visiteurs. Quand il n'y a pas de tourière, les soeurs assurent cette fonction à tour de rôle, mais ce sont toujours des professes de voeux définitifs. Certaines communautés ont un ou une concierge laïc.
A cause de la clôture, on ne fait pas entrer non plus le confesseur à l'intérieur du monastère, on se confesse au parloir ou au confessionnal s'il y en a un. Le rôle du confesseur est ... de confesser et rien d'autre. Il a bien d'autres activités dans sa vie de prêtre à côté de celle-là et il ne se pointe au couvent qu'à l'heure dite. Quant au silence, il s'impose dans ce qu'on appelle "les lieux réguliers": cloîtres, réfectoire, chapelle, ... on ne tient donc pas de conversation dans le cloître ou dans un couloir.
Mettons au nombre des erreurs folkloriques le nom "d'ermitage St Ignace" pour ce couvent de carmélites. Un couvent de carmélites s'appelle "un carmel" et il est le plus souvent dédié à un saint de l'ordre ou que l'ordre vénère ou encore au sacré-coeur, à la trinité, etc.
On voit aussi l'intérieur d'une cellule (une chambre de nonne), lors d'une perquisition, pas très près de la réalité : une étagère assez conséquente, couvertes de livre, un vase avec des fleurs, des photos ... Dans la réalité, les soeurs empruntent à la bibliothèque les livres qu'elles veulent lire et les gardent le temps qu'il faut sur un petit rayonnage. Elles ne fleurissent pas leur propre cellule. Et, là où on les autorise à garder quelques photos, elles ne les exposent généralement pas. Les murs sont le plus souvent nus.
On verra aussi la novice le chapelet à la main quand elle parle aux gendarmes, ce qui ne se fait pas dans la réalité : on ne peut pas prier et tenir une conversation en même temps. Les réalisateurs aiment beaucoup montrer des soeurs qui se promènent dans allées du couvent, alors que dans les faits, elles ne se déplacent que pour se rendre d'une activité à une autre. Les carmélites ne mettent pas non plus les mains dans les manches au dessus de leur scapulaire, mais en dessous.
Un peu plus tard, la novice se rend d'elle-même à la gendarmerie pour apporter des renseignements aux enquêteurs. Comment a-t-elle fait ?! Le couvent n'est pas une prison, mais dans la réalité, il lui aurait été beaucoup plus facile de téléphoner que d'emprunter la voiture communautaire.
C'est au tour de la supérieure (les scénaristes ignorent qu'on l'appelle "prieure" au carmel) de se rendre chez les gendarmes. Elle leur explique que la soeur assassinée voulait quitter les ordres et elle emploie les mots: "reprendre ses voeux", ce qui ne veut rien dire. On dira "renoncer à ses voeux" ou mieux "être relevé de ses voeux". Le terme propre est "être sécularisé". Et puis on fait dans le scabreux. On apprend que la nonne assassinée a eu des relations intimes avec le confesseur, qu'elle a eu un enfant de lui, âgé de trois ou quatre ans.
La nonne enceinte est un autre phantasme courant. Dans la pratique, il est très difficile dans un monastère soumis à la clôture, d'avoir de tels contacts. Ensuite, cacher la grossesse et aller accoucher aux urgences sans que quelqu'un dans la communauté s'en aperçoive relève de la science-fiction. Une absence hors de clôture se remarque, elle doit se justifier par des motifs graves. Et quand une religieuse se retrouve enceinte parce qu'elle a manqué volontairement à ses voeux, elle est renvoyée, tout simplement.
Mais il faut dire que la plupart des scénarios de cette série doivent certainement faire sourire les gendarmes, vu les incohérences et leurs invraisemblances. Alors, un peu plus, un peu moins...
Crédit photos: France3 ; Canalplus-Caledonie;Enquêtes réservées : @ François Lefebvre, FTV ; www.carmelbelgolux.be.
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