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Musée des horreurs, chapitre zéro.
Certains visitent des blogs comme celui-ci pour en savoir plus long sur des pratiques d'un autre âge : les instruments de pénitence. J'en ai parlé ici. Pour ce qui est de ces usages, je rejoins ce que les religieux censés ont constaté eux-mêmes : pratiques artificielles, recherche de soi, orgueil larvé . Déjà par les siècles passés, un écrivain faisait remarquer que ces pratiques qu'on utilisait notamment pour rester chaste pouvait provoquer l'effet tout à fait inverse.
De temps en temps, je tombe sur un mot mal employé. Depuis que le film "The Da Vinci Code" a monté en épingle les pratiques de pénitence d'un institut passéiste d'origine espagnole dont je ne ferai pas la publicité, beaucoup de personnes s'intéressent à ce qu'on appelle les instruments de pénitence et utilisent un mot pour un autre.
La discipline est un martinet de cordelettes tressées ou nouées qui sert à l'auto-flagellation durant un certain nombre de prières fixé par l'usage. Les disciplines étaient autrefois prescrites par certaines règles (ou plutôt "constitutions") religieuses. Par exemple, on se donnait la discipline pendant le psaume 50(51) tous les vendredis. Mais certains religieux obtenaient la permission de se la donner plus souvent, ou d'utiliser des disciplines faites, non de cordelettes, mais de chaînes. Certaines étaient hérissées de pointes acérées destinées à faire saigner.
Le cilice est une ceinture ou un sous-vêtement d'une étoffe rugueuse, faite à l'origine en laine de chèvres de Cilicie. Le cilice désigne donc un objet fait en fibres textiles. Voici ce que dit le dictionnaire de l'académie française de 1932.
CILICE. n. m. Espèce de plastron ou de large ceinture, qui est faite d'un tissu de poil de chèvre, de crin de cheval, ou de quelque autre poil rude et piquant, et que l'on porte sur la chair par mortification. Porter le cilice. Prendre le cilice. Se revêtir d'un cilice.
Quand le cilice a la forme d'une petite chemise, on l'appelle aussi une haire.
Toujours dans le même dictionnaire:
HAIRE. (H est aspirée.) n. f. Espèce de petite chemise faite de crin ou de poil de chèvre, qu'on appliquait sur la peau par esprit de mortification et de pénitence. Porter la haire. La haire et le cilice.
J'espère qu'une chose est maintenant bien claire: UN CILICE EST EN TISSU. Un tissu rude, piquant, rugueux, mais un TISSU.
Si vous tapez le mot cilice dans le célèbre moteur de recherche que tout le monde connaît, il y a beaucoup de chances que vous ne voyez pas un cilice mais une chaîne ou une chaînette . C'est vrai qu'on rencontre parfois dans une certaine littérature pieuse l'expression cilice de chaîne. La chaîne est tout simplement une bande, plus ou moins large, piquante, non en tissu, mais en métal. Elle est faite de petits maillons en fil de fer dont les extrémités sont savamment recourbées pour former des picots. Ce n'est pas une forme moderne du cilice comme j'ai pu le lire sur une encyclopédie en ligne, mal renseignée. Les chaînes et les cilices coexistent depuis des siècles. Ce sont deux sortes d'objets de pénitence distinctes.
Cet instrument de pénitence s'appelle une chaîne
et pas autrement !
En effet, toujours dans le même genre de littérature, surtout hagiographique on distingue les chaînes du cilice. Ainsi on peut lire " Bien qu’accablée de plusieurs maladies, elle s’impose de rudes pénitences, portant continuellement un cilice et une chaîne de fer." ou " elle tourmentait souvent ses membres par des cilices, des chaînes, des poignées d’orties et par d’autres pénitences très rigoureuses" et encore ailleurs "Premièrement, elle fit enlever tous les meubles, et fit mettre à la place des cilices, des chaînes, des disciplines, des croix, des chapelets, mais surtout un CERCUEIL."
Le cilice (instrument d'étoffe rugueuse) se porte autour de la taille, ou enveloppe sur le buste. Les chaînes peuvent faire office de ceinture, de bracelet ou se fixer sur la cuisse, etc. Avec la même technique, certaines industries de nonnes conservatrices fabriquent d'autres instruments de pénitence. Par exemble les maillons de fil de fer forment non plus une chaîne mais une petite croix que les adeptes des mortifications corporelles portent sur l'épaule.
L'emploi de tels instruments est tombé un peu partout en désuétude. Il ne subsiste plus que dans certains cercles conservateurs et doloristes. Le milieu culturel joue aussi. Dans les milieux de tradition latine, on trouve plus facilement cette tendance doloriste, ce goût pour le sanguinolent.On peut trouver sur la toile un site qui vend ce genre d'instruments d'automutilation. Les commentaires du forum adjoint à cette étrange boutique en ligne en disent long sur la mentalité des adeptes de ces pratiques. Le webmestre promeut l'usage pour la femme de prier la tête couverte alors que l'Eglise catholique romaine a supprimé ce précepte depuis près de cinquante ans. Une des "flagelleantes" dit qu'elle sent la présence de Dieu durant ses séances. L'étude des mystiques lui aurait appris que renoncer à ce genre de sentiments, de sensations d'être proche de Dieu, est nécessaire au progrès spirituel et constitue une plus grande ascèse que les mortifications physiques qu'elle s'impose.
Credit photos: discipline, Bourricon, Creative Commons ; cilice de St Louis, LecomteB, Creative Commons , Thérèse, Alain Cavalier, capture d'écran.
Dessins d'après photos sur le web sans mentions de copyright.
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