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Chronique de dérives en cascades — 5
Comme toujours, l'histoire que vous allez lire est vraie, seuls les noms ont été changés pour préserver la réputation des innocents.
Pour ne pas jeter le discrédit sur un ordre religieux qui a souffert et souffre toujours de la situation, nous l'appelerons ordre de St Ores, un saint qui n'existe pas.
Episodes précédents : Sr Fausta, soeur orésienne depuis plus de quinze ans, a semé le trouble dans plusieurs couvents de Flandres.Après son renvoi d'un couvent en Terre Sainte, elle échoue dans une communauté près de sa fin, joue de son charme et en devient la supérieure. Elle se met en tête de faire revivre le couvent et accueille ses premières novices. Une relation trouble la lie à l'une d'entre elle, une quadragénaire caractérielle, Alexandra.
Les choses fonctionnent désormais à l'envers, chez les soeurs de saint-Hilaire. La communauté est divisée de fait en deux groupes : les anciennes et le noviciat. Le noviciat lui-même est divisé : les deux premières novices et les plus jeunes. Et parmi les deux premières novices, Alexandra a la préférence de Mère Fausta.
Celle-ci profite de l'arrivée des forces vives pour donner un nouvel élan au monastère. Elle relance l'atelier de couture qui végétait et en confie la responsabilité à Sr Pauline, encore au noviciat. Elle en ouvre de nouveaux : boulangerie, reliure, cierges, icônes... Cela fait pas mal de travail pour seulement quatre jeunes soeurs. Soeur Alexandra devient responsable de la boulangerie, des icônes et de la reliure en plus de l'économat et de l'infirmerie. Soeur Magda se voit confier la cuisine et les cierges, un atelier de moindre importance. Quant à Soeur Ria qui s'accroche trop souvent avec Soeur Alexandra, elle reste laissée pour compte et se sent défavorisée.
De fréquentes disputes l'opposent à son aînée et, si la maîtresse des novices désaprouvre du bout des lèvres les colères de celle-ci, elle lui donne toujours raison sur le fond. Et pourtant Soeur Alexandra peut sortir à ce point de ses gonds qui lui est arrivé de lancer de l'eau bouillante sur soeur Ria. Les autres novices vivent aussi dans la crainte de ces violentes sautes d'humeur. Sr Magda essaie de ménager la chèvre et le chou, mais elle sent que les choses ne tournent pas rond et qu'on veut lui faire considérer comme normale une situation qui ne l'est pas.Mère Fausta est une personne enjôleuse et susceptible qu'un rien peu faire changer d'humeur. Elle peut se montrer désinvolte et complice, un rien cabotine et l'instant d'après, pour une broutille, couvrir ses soeurs de reproches, se poser en victime, en objet d'incompréhension. Elle tient son monde par un subtil chantage affectif recouvert d'un vernis de spiritualité.
A l'ouverture des nombreux nouveaux ateliers s'ajoutent les travaux de réfection du couvent. Les bâtiments ont été mal entretenus durant quelques décennies et Mère Fausta veut remettre les choses en état. Après la chapelle, c'est autour du réfectoire. Et comme les caisses ne se remplissent pas assez vite, les jeunes forces sont mises à contribution. Au détriment de leur santé. On rogne sur le temps de prière, de formation, de sommeil. Il arrive que des travaux de peinture se terminent tard dans la nuit. Et cela régulièrement. Les jeunes soeurs ont plus de travail à abattre que ne leur permet leur horaire.Les rapports entre Sr Alexandra entre sa supérieure et maîtresse des novices sont loin d'être limpides. Les deux femmes passent leur temps à se disputer et à se raccommoder. Sr Alexandra doute-t-elle de sa vocation ? Toujours est-il que Soeur Magda l'entend passer, tard le soir, devant sa porte et rejoindre sa supérieure dans sa cellule pour tenir d'interminables conversations jusqu'aux petites heures de la nuit.
Mère Fausta ne se contente pas de cumuler les fonctions de supérieure et de maîtresse des novices. Elle garde la main mise sur leur formation. Hors de question d'envoyer les jeunes religieuses suivre des sessions organisées par son ordre ou pour les contemplatives en général. Elle proclame bien haut que cela va à l'encontre de la clôture monastique. Pourtant cela ne l'empêche pas d'envoyer ces mêmes novices passer une semaine à l'hôtellerie d'un monastère de rite oriental pour suivre quelques conférences donnés par des moines dans lesquels elle a toute confiance. Elle a trouvé chez eux de quoi de rénover la liturgie bien pauvre de son couvent et les fastes de ces rites n'est pas pour déplaire à Soeur Alexandra. Cette mise à niveau par de la liturgie se déroule dans la même vague d'excès et de désordre. A côté de leur travail harassant, les jeunes soeurs vont aussi devoir se mettre à de longues séances de répétition.
Deux autres jeunes filles se présentent entre temps aux portes du monastère. Marie-Noëlle n'a pas encore vingt ans, elle est l'aînée d'une famille nombreuse très engagée dans le renouveau charismatique. Elle a quitté l'école à seize ans et n'exerce aucune profession. Elle cherche sa voie et visite plusieurs monastères afin de trouver ce qui pourrait lui convenir. On l'admet pour un court stage en clôture puis elle reprend ses pérégrinations. Martine est en cours aux études. Ses parents s'opposent à son projet de se faire nonne qu'elle nourrit depuis l'aube de son adolescence. Son père spirituel et les personnes qui l'accompagnent lui ont conseillé de décrocher un diplôme avant de s'engager dans la vie religieuse.
Un énième différend qui oppose Soeur Ria à sa supérieure à propos de Sr Alexandra conduit Mère Fausta a prendre une solution expéditive : elle la renvoie sans même lui donner le temps de rassembler ses effets. L'ancienne novice se retrouve dehors, sans rien, dans une hôtellerie d'un autre monastère qui accepte de l'héberger. Quand Ria raconte au père Berthold ce qui se passe à l'intérieur des murs de St Hilaire, le religieux reste sans voix. Il vient lui même rechercher les affaires de sa protégée.
Les rumeurs de désordre parviennent jusqu'aux oreilles de l'évêché. Une soeur apostolique veut s'essayer à la vie contemplative. Elle commence un noviciat chez les soeurs de saint-Hilaire et en ressort épuisée, il faut l'hospitaliser. Une fois rétablie, elle fait un nouveau stage chez les soeurs orésiennes d'un autre couvent, à sainte-Barbe. Elle raconte ce qu'elle a vu et vécu au monastère de saint-Hilaire. La maîtresse des novices en est horrifiée.
Soeur Angeline est l'une de celle qui a quitté son monastère d'origine pour aller "aider" à saint-Hilaire. Elle n'a pas un caractère facile et s'accommode mal de tous ces changements. Avec le temps et les nouvelles responsabilités qui lui incombent, la vraie nature de Mère Fausta a refait surface, à la fois mielleuse et tyrannique, imbue de l'importance que sa fonction lui confère. Les caractères se frottent et font des étincelles. L'ancienne se retire une semaine à l'hôtellerie d'un monastère d'un autre ordre. Là, on lui prête de quoi écrire et des timbres. Elle envoie une relation des choses à l'évêché.
C'est au tour de l'autre novice, soeur Magda, de s'en aller. L'échéance de sa première profession approche et elle ne sent pas à sa place à saint-Hilaire. Ce n'est pas seulement à cause de la démesure dans lequel vit le couvent. C'est aussi une affaire de spiritualité. Le mode de vie des soeurs orésiennes ne lui convient pas. Elle avait hésité entre cet ordre et celui des clorettines. Malgré les pressions et l'habile chantage affectif de la supérieure, elle fait ses paquets et s'en va.
Le prélat chargé des religieuses, Mgr Lebouc, intervient, mais mollement. Il transfère soeur Angeline à sainte-Barbe. il fait une visite canonique mais n'envoie pas son rapport à Rome. Il se contente de morigéner sévèrement Mère Fausta et de lui interdire d'accepter des novices, Il ne la dépose pas de ses fonctions et il ne réagit pas quand elle passe outre de son interdiction et qu'elle accepte, à nouveau, d'autres candidates à la vie religieuse. Mgr Lebouc veut éviter à tout prix de fermer un couvent. A tout prix. Et ce prix va être lourd en vies abimées.
Crédit photos: Cuture pub; photos personnelles.
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