• Le véritable nom de l'ordre est : "Ordre de l'Annonciation de la Vierge Marie" en latin Ordo de Annuntiatione Beatæ Mariæ Virginis que l'on abrévie O. Ann.M. Il fut fondé en France par une princesse, dont la vie ne correspond en rien de ce quoi rêve les petites filles en entendant ce mot magique.

     

    Je dois sourire chaque fois que je vois dans un film historique Jeanne de Valois à la cour de son père, rabrouée par ce dernier. Jeanne a très peu côtoyé son père dans sa vie. Elle ne vivait pas à la cour du vivant de celui-ci. A sa naissance, elle est déjà fiancée pour des raisons politiques comme simple pion sur l'échiquier royal. Jeanne est chétive et petite ; elle souffre d'une déviation de la colonne vertébrale et de claudication. Mais on dit qu'elle a un très joli visage. Elle reste auprès de sa mère jusqu'à l'âge de cinq ans puis son père la confie à un cousin et à sa femme. Ce couple sans enfant prend soin d'elle et ne néglige en rien son éducation. Ils lui inculquent également la piété. Jeanne développe une grande dévotion mariale.

     

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    Elle épouse, à l'âge de douze ans, son propre cousin, Louis d'Orléans. Le roi Louis XI n'assiste pas au mariage. Si Jeanne se soumet de bon cœur à la volonté paternelle, le jeune époux ne s'y plie que sous la menace. Rien ne l'attire chez sa femme. Une fois le mariage conclut, chacun retourne à ses occupations, Louis d'Orléans à sa vie de plaisir et Jeanne à sa vie de prière.  Le roi doit rappeler à l'ordre son gendre pour qu'il rende de temps à autre visite à son épouse. Les choses ne vont pas en s'améliorant à la mort de Louis XI puisque le mari de Jeanne refuse de subvenir à sa subsistance et laisse ce soin à sa soeur, Anne, la régente.

     

    Après la mort de Charles VIII, le frère de sa femme, Louis monte sur le trône de France sous le nom de Louis XII. Il s'empresse de faire déclarer nul son mariage avec Jeanne pour défaut de consentement. Cette épisode est très pénible pour la jeune femme qui se voit publiquement décriée lors du procès. Louis XII aura plus d'égard pour sa cousine qu'il n'en a eu pour son épouse. Une fois le mariage déclaré nul, il la fait Duchesse de Berry et lui octroie une rente.

    Jeanne, s'étant retirée à Bourges, poursuit ses œuvres de piété et de charité ; elle y fonde l'ordre de l'Annonciade, l'ancien nom de l'Annonciation. Son confesseur, un franciscain nommé Gabriel Maria la seconde dans cette tâche. Il rassemble quelques jeunes filles, leur enseigne les rudiments de la vie religieuse et rédige la règle selon les indications de Jeanne.

     

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    La spiritualité de l'ordre est de vivre comme Marie pour plaire à Dieu. Il met en avant les vertus mariales. Bien qu'à l'époque, la papauté refuse la fondation de nouveaux ordres religieux, le Père Gabriel Maria parvient à faire approuver cette nouvelle règle en 1502. L'année suivante ont lieu les premières vêtures, puis les premières professions.

     

    L'habit des annonciades est gris, symbole de pénitence, avec un scapulaire rouge, symbole du sang du Christ. Elles portent, en guise de ceinture, au dessus du scapulaire, une corde à dix nœuds en l'honneur des dix vertus de la vierge recensées par le père Gabriel-Maria : pureté, prudence, humilité, foi, louange, obéissance, pauvreté, patience, pauvreté, charité et compassion. Elles mettent un manteau de chœur blanc, pour l'eucharistie, les Laudes et les Vêptres, qu'elles reçoivent à la profession temporaire. Les professes perpétuelles portent une médaille représentant d'un côté la vierge à l'enfant et de l'autre Jeanne avec l'enfant Jésus.

     

    L'ordre fut très florissant en France avant la révolution. Aujourd'hui, il y compte encore quatre monastères et y accueillent des vocations. Il y a un monastère belge en pays flamand, qui résulte de la fusion de trois monastères encore existant en 1965. La moyenne d'âge y est élevée mais les nonnes y sont affables et pleine d'entrain.  C'est le seul monastère où l'habit a été modernisé. L'ordre a également une fondation au Costa Rica et une autre en Pologne.

     

    On peut trouver sur le site de l'ordre cette vidéo d'une profession perpétuelle

     


    Crédits photos : libre de droits.


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  • Je vais reprendre les informations d'un billet écrit il y a quelques temps et les publier à nouveau, ici, car on ne les trouve pas sur la toile en français, seulement en italien ou en espagnol.

     

    J'avais gardé un vague souvenir d'une lettre écrite par une novice, au début des années nonante (quatre-vingt-dix) violée lors de la guerre de Yougoslavie, une lettre très belle et émouvante. Elle circule encore dans différents médias et il ne vous sera pas difficile d'en retrouver le texte en ligne. L'ennui, c'est que, faute d'en savoir davantage, ceux qui la publient n'en indiquent pas le véritable auteur.

     

    La lettre commence par ces mots :

    "Je m'appelle Lucia Vetruse, je suis une des novices violées par les milices serbes. Je veux vous raconter ce qui m'est arrivé ainsi qu'aux sœurs Tatiana et Sandria. permettez-moi de ne pas vous donner de détails. Permettez-moi de ne pas vous donner de détails. Ce fut une expérience atroce qui ne peut être partagée qu'avec Dieu, à la volonté de qui je me suis livrée quand je me suis consacrée à lui par les trois vœux."

     

    Cette lettre fut publiée, dans certains quotidiens et, notamment, dans le journal La Croix. Quelques temps plus tard, parut un démenti : la lettre était un faux, écrite par un prêtre (de Bosnie a-t-on écrit) qui voulait sensibiliser l'opinion au sort des femmes de sa région.

    Le temps passant, ma mémoire avait du mal à retrouver certains détails qui m'aurait permis de retrouver la trace de cette histoire sur la toile. Je pensais qu'il s'agissait d'une novice croate alors qu'elle était bosniaque. Mais aujourd'hui, en introduisant d'autres termes dans un moteur de recherche, j'ai découvert, enfin, le fin mot de l'histoire.

     

    Il était une fois un prêtre, non pas bosniaque mais italien, qui avait écrit une lettre où il mettait en scène une novice bosniaque violée. La jeune nonne avait fait le choix de casser l'enchainement de la haine, d'élever l'enfant dont elle serait peut-être enceinte, en lui apprenant à aimer. Ce prêtre s'appelait monsignor Alfredo Contran et il signa la lettre de son nom d'auteur, puisqu'il s'agissait bien d'une composition littéraire.  Ce texte lui valu d'ailleurs un prix.

     

    soeur lucia vetruse,démenti,fake,faux,novice violée

    On ne sait trop comment, quelques distraits bien intentionnés oublièrent de lire le nom de l'auteur ou de le mentionner et publièrent la lettre comme s'il s'agissait d'une authentique missive, comme si cette novice avait bel et bien existé. Aussi certains se mirent même en tête de faire venir l'infortunée à Rome afin qu'elle y rencontrât le pape ! Le prêtre écrivain-journaliste ne manqua pas de relever l'erreur, mais entre temps, la lettre avait été reprise, publiée, traduite et diffusée un peu partout dans le monde. Cet "un peu partout dans le monde" ne fut pas toujours mis au courant du démenti.

    Malheureusement ce fin mot de l’histoire , je ne l'ai pas trouvé en français. Il y a bien des extraits d'un livre numérisé par Google, Poker menteur, de Michel Collon, qui cite deux passages de La libre Belgique, mais sans creuser davantage.

     

     

    Vous verrez ici la lettre publiée en espagnol avec son véritable nom d'auteur. Dans les archives du Corriere della sera (3 avril 94)(Suora bosniaca diventa madre? No, è una bufala), on lira l'interview de l'auteur de la lettre. Je suis bien incapable de vous la traduire en français, mais il y a des traducteurs automatiques en ligne qui pourront vous aider à la comprendre. Monsignor Alfredo Contran est décédé en 2007, son œuvre lui a survécu. Sur ce, concluons par l'adage italien : se non è vero è bene trovato.


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  • Le renvoi consiste à délier quelqu'un de ses vœux alors qu'il n'en a pas fait personnellement la démarche.

    Cette démarche est très rare. Je ne connais qu'un seul cas de renvoi. La supérieure d'un couvent fraichement fondé est partie "en repos" et n'en est pas revenue. Elle s'était éprise de l'architecte et elle était allée le retrouver pour vivre avec lui. Sa communauté a dû entamer une procédure de renvoi, puisque la nonne fugitive n'avait pas fait le nécessaire pour se mettre "en ordre".

     

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    Les motifs de renvoi sont expliqués ici . S'il y a abandon du catholicisme ou contraction d'un mariage même civil, le renvoi est alors automatique. 

    Can. 695 - § 1. Un membre doit être renvoyé pour les délits dont il s'agit aux cann. 1397, 1398 et 1395, à moins que pour les délits dont il s'agit au can. 1395, § 2, le Supérieur n'estime que le renvoi n'est pas absolument nécessaire et qu'il y a moyen de pourvoir autrement et suffisamment à l'amendement du membre ainsi qu'au rétablissement de la justice et à la réparation du scandale.

    En clair : (1397) pour homicide volontaire, enlèvement, coups et blessures volontaires, (1398) interruption de grossesse, et (1397) fornication. Dans ce dernier cas, on veut bien passer l’éponge si ça ne se sait pas et si le fautif promet de ne plus recommencer.

    Le canon 696 dit :

    § 1. Un membre peut aussi être renvoyé pour d'autres causes, pourvu qu'elles soient graves, extérieures, imputables et juridiquement prouvées, comme sont par exemple: la négligence habituelle des obligations de la vie consacrée; des violations répétées des liens sacrés; la désobéissance obstinée  aux prescriptions légitimes des Supérieurs en matière grave; le grave scandale causé par le comportement coupable du membre; la défense ou la diffusion obstinées de doctrines condamnées par le  magistère de l'Église; l'adhésion publique aux idéologies infectées de matérialisme ou d'athéisme; l'absence illégitime  dont il s'agit au can. 665 [. Les religieux habiteront leur propre maison religieuse en gardant la vie commune et ils ne la quitteront qu'avec la permission de leur Supérieur.  Cependant, s'il s'agit d'une absence prolongée de la maison, le Supérieur majeur, avec le consentement de son conseil et pour une juste cause, peut donner à un membre la permission de séjourner en dehors d'une maison de l'institut, mais pas plus d'un an, sauf pour des soins de santé, pour raison d'études ou d'apostolat à exercer au nom de l'institut.]

    § 2 prolongée jusqu'à un semestre; d'autres causes de gravité semblables que le droit propre de l'institut aurait déterminées.

     

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    Pour faire simple : ne pas respecter ses voeux de manière grave et répétée, causer un scandale, commettre un crime, enseigner des doctrines contraires au magistère catholique romain, quitter le monastère sans permission plus de six mois.

    Entamer une procédure de renvoi est une démarche assez pénible. En général, on préfère l'éviter tant qu'il n'y a pas de dommages pour l'institut ou pour l'intéressé. J'ai connu le cas où un religieux résidait depuis des années et sans permission en dehors de la communauté à laquelle il était rattaché. Il n'avait pas voulu quitter une cure qui lui avait été confiée précédemment et continuait à y officier comme chapelain. Comme il ne faisait de mal à personne, les supérieurs n'ont pas jugé bon de le renvoyer. Il est plus commode de persuader le principal intéressé de faire lui-même la démarche vers la sécularisation.

     

    Le religieux que l'on veut renvoyer peut, évidemment, se défendre.

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    Citons également les derniers canons :

    Can. 701 - Par le renvoi légitime prennent fin par le fait même les vœux ainsi que les droits et les obligations découlant de la profession.  Cependant, si le membre est clerc, il ne peut exercer les ordres sacrés tant qu'il n'a pas trouvé d'Évêque qui, après une mise à l'épreuve convenable selon le can. 693, le reçoive dans son diocèse ou du moins lui permette l'exercice des ordres sacrés.

    Can. 702 - § 1. Les membres qui sortent légitimement d'un institut religieux ou qui en ont été légitimement renvoyés ne peuvent rien lui réclamer pour quelque travail que ce soit accompli dans l'institut.

    § 2. L'institut gardera l'équité et la charité évangélique à l'égard du membre qui en est séparé.

    Can. 703 - En cas de grave scandale extérieur ou d'un grave dommage imminent pour l'institut, un membre peut être sur-le-champ chassé de la maison religieuse par le Supérieur majeur ou, s'il y a risque à attendre, par le Supérieur local avec le consentement de son conseil.  Le Supérieur majeur, si besoin est, aura soin d'engager la procédure de renvoi suivant le droit, ou déférera l'affaire au Siège Apostolique.

     

     

     

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    En clair, une fois sortie, l'ex-religieuse peut se marier à l'église. Le cas se complique pour l'ex-religieux : s'il est aussi prêtre, il est toujours lié par les obligations liées à la prêtrise. S'il veut en être délié, il doit demandé d'être réduit à l'état laïc. S'il veut rester prêtre et exercer son ministère, il demande à l'évêque une place dans l'évêché.

    S'il n'est pas prêtre, il se retrouve comme monsieur tout le monde.

     

    Une fois qu'on est sorti, pas question de réclamer des sous à l'institut. Dans le cas des anciennes moniales, si elles ont amené une dot, on leur rend la somme, mais sans les intérêts. A l'heure de la dévaluation, vous vous rendez compte de ce que cela peut signifier. Cependant, l'institut qu'on quitte ne peut pas vous mettre à la rue sans un sou. Il doit veiller à ce que vous ayez de quoi redémarrer dans la vie, un lieu où aller, un petit pécule, etc.

     

    Maintenant, si sœur Plectrude  a voulu mettre le feu à la maison ou si frère Chrodegang a poursuivi un autre   partout dans la maison avec un couteau pour l'assassiner, on les met à la porte directement et on s'occupe des procédures après.

     

    Crédits photos : photos personnelles photo libre de droits,  gif animé film"Ici bas"


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    Épisodes précédents : Sr Fausta, soeur orésienne depuis plus de vingt ans, a semé le trouble dans plusieurs couvents de Flandres et s'est fait renvoyer d'un autre en Terre Sainte. Elle échoue dans une communauté près de sa fin, joue de son charme et en devient  la supérieure. Elle accueille ses premières novices et impose au couvent un mode de vie déséquilibré. Des novices et une sœur conventuelle préfère quitter le monastère et les premières plaintes parviennent aux oreilles des responsables ecclésiastiques.Pourtant le monastère continue à accueillir des candidates qui se trouvent confrontées au caractère manipulateur de leur supérieure et maîtresse des novices. Âpre au gain, elle se lance dans des projets grandioses d'agrandissement et embellissements des bâtiments. Dans un jeu de séduction larvée envers l'une de ses premières novices, elle développe une liturgie splendide mais trop lourde pour le mode de vie du couvent. Par ailleurs, elle néglige la santé de ses sœurs , se montre  jalouse de ses jeunes candidates et développe une curiosité malsaine dans leur façon de vivre la chasteté. Les personnes qui se présentent au noviciat sont accueillies avec complaisance et sans trop de discernement quant à leurs aptitudes et leurs motivations.

     

    La loi, c'est moi !

    Mère Fausta est quelqu'un avec qui on ne sait jamais sur quel pied danser. Une fois la période de séduction terminée, elle révèle son vrai visage : susceptible, versatile, paranoïaque.

     

    Une postulante l'accompagne jusqu'à un atelier. Pour se faire, elles doivent toutes les deux traverser un endroit où travaillent sœur Pauline et sœur Agnès. Celles-ci travaillent ensemble et doivent se donner des consignes et des renseignement l'une à l'autre. Il se fait que sœur Agnès vient juste de terminer sa phrase quand Mère Fausta ouvre la porte. Mère Fausta accuse aussitôt sœur Agnès de s'être tue en la voyant arriver et la soupçonne d'avoir parler de choses futiles ou médisantes. Sœur Agnès a beau protester d'avoir juste terminer sa phrase alors qu'elle parlait travail, Mère Fausta n'en démord pas et lui reproche de montrer le mauvais exemple à la postulante, qui elle, ne voit pas où est le mal, mais est trop impressionnée par sa supérieure pour le lui dire.

     

    Sœur Martine est de cuisine, elle prend un carton d’œufs pour les faire frire mais constate que ceux-ci sont avariés. Certains sont cassés et des vers s'y sont développés. Une odeur nauséabonde s'en dégage. Elle avertit Mère Fausta qui lui répond qu'elle fera le nécessaire pour rendre la denrée récemment livrée au fournisseur. Caroline, qui s'occupe aussi bien de l'accueil que des fournisseurs, passant par là, sœur Martine lui montre le carton d’œufs et lui explique la situation. Mère Fausta l'apprend et en prend ombrage. Sœur Martine n'avait pas à en parler à Caroline, c'est à elle que revient ce rôle. Puisqu'il en est ainsi, que la novice se charge donc de régler le problème avec le fournisseur et avec Caroline ! Le carton d’œufs restera donc quelques jours dans le couloir, à y répondre son odeur pestilentielle, car sœur Martine n'ose sans défaire jusqu'au prochain passage du fournisseur. Il va de soi que la novice n'a pas accès au numéro de téléphone de celui-ci, c'est Caroline qui se chargera de le contacter.

     

    Pendant la méditation du matin, on laisse la porte qui donne sur le jardin grand ouverte, pour aérer. C'est un peu frisquet pour sœur Valérie qui met donc un gilet. Mesurant les autres à son aune, Mère Fausta décrète qu'elle n'en a pas besoin et, plutôt que d'attendre pour lui faire la remarque, le lui ôte du dos alors que la novice est en pleine méditation. Elle ne manque de lui dire qu'elle n'est pas digne d'être l'épouse du Christ qui en a supporté bien plus pour nos péchés. Tant pis pour le grand silence et ne parlons pas du respect pour la prière d'autrui. La jeune novice ne manque pas de lui faire remarquer que sœur Agnès porte, elle aussi, un gilet. Non, la supérieure ne répond pas que sœur Agnès en besoin en raison de son âge, elle lui déclare que sœur Agnès est une mauvaise religieuse.

     

     

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    Mère Fausta n'envoie pas ses sœurs en session de formation, même quand celles-ci sont organisées par leur ordre ou par l'union des contemplatives de la région. Mais pour assurer cette formation, elle fait venir des prêtres et des religieux donner des conférences. Celles-ci sont données sur le temps de travail, un travail démesuré par rapport aux effectifs. Mais l'opération de séduction envers le clergé des environs joue aussi. Elle se doit de passer pour une bonne personne chez un grand nombre d'ecclésiastiques qu'elle tâche de rallier à sa cause. Et cela peut marcher envers certains.

     

    Un jour que le père Louis passe prêcher une retraite, Mère Fausta invite de manière pressante les sœurs à aller se confesser chez lui. Le confesseur régulier passe tous les quinze jours, les nonnes n'ont pas grand chose à raconter comme peccadilles et peu s'inscrivent sur la liste. Au réfectoire, elle hausse le ton et se plaint amèrement ... du prix que ça coûte, de faire venir un prédicateur. "Je vous laisse libres, dit-elle, mais ça fait du bien d'aller se confesser près du prédicateur." Du coup quelques sœurs se laissent convaincre, davantage pour ne pas déplaire à la supérieure que pour soulager leur conscience. Car la liberté que leur laisse la supérieure c'est de faire le choix qu'elle agrée.

     

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    L'irréductible sœur Jacinthe n'est pas du nombre. Alors que sœur Martine conduit l'ancienne au chœur en chaise roulante, pour épargner son cœur fragile, Mère Fausta l'arrête en plein cloître, au mépris des usages religieux, et insiste lourdement. "Ça fait du bien, de se confesser pendant une retraite, mais je te laisse libre ...""Je me suis déjà confessée au père Adalbert" réplique sœur Jacinthe qui ne déviera pas d'un pouce. Si elle la laissait libre, pourquoi venait-elle insister pour qu'elle aille se confesser ? De plus, en contrevenant au silence qu'on doit garder dans les lieux réguliers.

     

    Mère Fausta fait toujours le service de table, ça lui donne un regard sur ce que mange les sœurs. Elle a d'ailleurs tendance à les bourrer. Il faut dire qu'elle trouve les filles enrobées plus appétissantes... du moins c'est le sentiment qu'elle prête aux hommes. Un soir, elle "laisse le choix" à une novice entre deux mets, l'un est un reste, l'autre est du jour. Elle explique bien la situation à la sœur, mais elle "la laisse libre", elle lui laisse le choix, assure-t-elle. La novice la prend au mot et choisit le met plus frais. Mère Fausta l'appellera par la suite dans son bureau pour lui en faire reproche. Et quand la jeune nonne objecte naïvement qu'elle lui a laissé le choix, la supérieure hausse le ton, se fâche et la traite de grossière : si elle l'a laissée libre c'est pour qu'elle fasse le bon choix, c'est à dire le sien.

     

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    Mère Fausta n'établit pas de menu à l'avance pour la communauté. Chaque matin, elle passe à la cuisine, ouvre le frigo, décrète ce qu'il faut faire des restes et donne le menu à la cuisinière du jour car chaque sœur à son jour de cuisine. Mais parfois, Mère Fausta arrive en retard et la cuisinière ne peut pas commencer sans elle. Elle voit son précieux temps s'écouler sans pouvoir y faire. Voici la supérieure qui s'amène, de mauvaise humeur. Elle toise la sœur de cuisine et lui reproche ... de rester là, les bras ballants. Elle va même jusqu'à prendre la même pose, en la singeant vulgairement, jusqu'à faire la grimace. La nonne la regarde avec des yeux ronds comme des soucoupes. La supérieure vient de laisser là ses manières compassées pour sombrer dans le granguignolesque de mauvais goût.

     

    Un jour qu'elle est en récollection, c'est à dire un jour de désert où elle n'a pas d'autre contact avec la communauté que la messe hebdomadaire, elle fait appeler une de ses novices et lui reproche de ne pas lui avoir rendu un rouleau de papier adhésif qu'elle lui a prêté. La jeune nonne lui répond, étonnée, qu'elle n'a jamais eu ce rouleau. Mère Fausta hausse le ton, se fâche, se répand en reproches. Par acquit de conscience, la sœur va regarder dans son atelier pour voir s'il ne serait pas dans une de ses armoires. Évidemment, elle ne le trouve pas, puisqu'elle ne l'a pas eu en prêt. Elle retourne là où elle a laissé sa supérieure mais elle n'y est plus. Enfin, celle-ci revient et lui lance, furieuse : "Il était chez sœur Pauline. Tu vois ce que c'est de ne pas rendre ce qu'on a prêté!" Puis elle tourne les talons et plante là la novice, sans même s'excuser de l'avoir accusée à tort.

     

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    Lorsque Mère Fausta se fâche, ce sont de "saintes colères" s'il faut l'en croire. Les indignations de ses sœurs, quand celles-ci font surface, ne sont que des manques de foi, de la grossièreté. Quand une nonne lui dit que quelque chose va contre sa conscience, elle lui reproche de dire "des gros mots". Elle regarde les sœurs qui lui font des objections, droit dans les yeux et les fixe pour les rendre mal à l'aise.  Elle les accuse de manque de foi, puisque ce qu'elle dit est "parole de Dieu". Une sœur ayant été confessé ce péché inventé par la prieure se voit expliquer par le régulier, le religieux, qui la confesse que cela n'en est pas un. Et quand elle essaie d'aborder la question avec Mère Fausta, celle-ci lui fait comprendre que le père Adalbert n'est pas un bon religieux. Lorsqu'elle fait des reproches, elle n'hésite pas à dire à ses sœurs : "Tu flagelles Jésus en moi" ou "Tu crucifies Jésus à travers moi."  Si la sœur a du mal a reconnaître une faute imaginaire dont elle l'accuse, si elle ne voit pas en quoi elle a manqué ou ne peut en conscience admettre avoir fait des choses qu'elles n'a pas faite et se permet de le lui faire respectueusement remarquer, Mère Fausta lui dit qu'elle a une langue de serpent.

     

    Mère Fausta est quelqu'un avec qui il faut se sentir coupable. Une nonne a posé son balai momentanément contre un mur. Le manche glisse et laisse une trace sur le mur qui vient juste d'être repeint. Mère Fausta agonit la sœur de reproches. Elle lui dit qu'elle va être très gênée d'annoncer ça aux peintres présents dans le bâtiment. La petite nonne culpabilise et la supérieure, toujours prête à scruter le moindre des sentiments de ses ouailles la voit se décomposer tout le weekend. Elle s'en enquiert et puis s'en moque ouvertement : pourquoi autant de scrupules ? Les peintres doivent, de toute façon, mettre une seconde couche.

     

    Elle trouve un moyen de rendre sœur Valérie très scrupuleuse au niveau de la chasteté. La jeune nonne ayant un jour déclaré qu'il n'y a pas de tentation au couvent puisqu'il n'y a pas d'homme, la maîtresse des novices vient la trouver à plusieurs reprises pour lui expliquer avec une lourde insistance qu'on peut très bien pécher avec soi-même, par exemple en faisant sa toilette et que de succomber à de telles tentations est aussi grave que de forniquer, c'est "tromper" Jésus comme on trompe un mari. A force d'entendre ce discours, la novice s'imagine avoir toute sorte de tentations et voit le péché partout. Elle se croit obligée d'en parler à la supérieure qui l'envoie "se purifier dans le sang du Christ" en allant confesser des péchés imaginaires. Dès que le chapelain met le pied dans la sacristie, pour la messe quotidienne, sœur Valérie accourt pour lui avouer ses troubles. Mais un jour, le chapelain a du retard, elle ne peut le faire. Lorsqu'elle s'avance pour aller communier, Mère Fausta la tire pas le bras et lui dit qu'elle n'en est indigne.

     

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    Mère Fausta et sœur Martine déplace une table. Pour éviter que l'on se cogne, la jeune nonne dépose un instant la table et va voir si le chemin est libre, si la porte est ouverte. La supérieure lui reproche son manque de foi car elle avait dégagé le chemin. Si sœur Martine n'y avait pas pensé et que le chemin s'était trouvé encombré, Mère Fausta l'aurait accusé d'imprévoyance.

     

    Une des spécialités de Mère Fausta est de culpabiliser les sœurs à cause de leurs mouvements premiers, c'est à dire le sentiment qu'elles éprouvent en premier lieu, face à l'un ou l'autre événement. Si la nonne éprouve de l'étonnement, c'est qu'elle manque de foi, si elle éprouve de la tristesse, c'est qu'elle manque de reconnaissance, si elle éprouve de la colère, c'est qu'elle est jalouse, impatiente, etc. Ce premier mouvement, Mère Fausta est prompte à le percevoir et à en faire reproche à celle qui l'éprouve. Or, personne n'est responsable de ses sentiments, on n'est responsable que de la façon de les assumer.

     

    Par contre, Mère Fausta n'a aucun scrupule à se montrer irrascible et rancunière. Car quand elle reproche quelque chose à quelqu'un, elle ne se contente pas de le lui dire une fois, il faut qu'elle revienne sans cesse là-dessus, jusqu'à ce que son vis-à-vis soit totalement écrasé par sa prétendue culpabilité. Et lui demander une fois pardon ne suffit pas non plus. Il faut bien deux à trois jours pour se faire pardonner d'une faute qui souvent n'en est pas une.

     

     

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    Peu habituée au travail physique, sœur Martine s'épuise. Parallèlement Mère Fausta lui promet des entretiens spirituels qu'elle post-pose indéfiniment, lui posant lapin sur lapin. La jeune nonne sombre dans la dépression et a la larme facile. Elle s'arrête près du bénitier, avant d'entrer au chœur, le temps de sécher ses larmes. Mère Fausta ne manque pas de le relever et s'en moque peu charitablement : "On se serait cru au mur des lamentations", raille-t-elle avec dédain.

     

    Au mépris de la plus élémentaire discrétion, Mère Fausta accable de reproches une sœur âgée fort scrupuleuse en plein milieu d'un couloir, puis elle blâme une sœur qui passait par là de le faire afin d'écouter la conversation.  Elle ne se remet pas en question, c'est la sœur qui aurait dû faire un détour parce que sa prieure parlait dans un endroit qui ne convenait pas.

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    Le mercredi est jour de boulangerie. Mère Fausta et Sœur Alexandra se lève plus tôt pour commencer le travail, elles sont rejointes par les novices, un peu plus tard. Sœur Alexandra a toujours trop chaud et ouvre souvent les fenêtres alors que sœur Marie-Noëlle  qui se retrouve dans le courant d'air, les referme. Il faut dire que là où elle travaille, elle est directement exposée au froid, tandis qu'Alexandra se trouve à un endroit plus chaud. Mère Fausta donne irrémédiablement raison à sœur Alexandra, en prétendant que l'aération de la pièce est nécessaire pour éviter la moisissure. Elle dit à sœur Marie-Noëlle de mettre un pull. Les incidents de ce genre se répètent régulièrement. Mais quand Alexandra part pour une année sabbatique, sœur Marie-Noëlle reprend la place de soeur Alexandra à la boulangerie. Elle se pense obliger d'ouvrir les fenêtres, elle aussi. C'est alors Mère Fausta qui les referme en se plaignant du froid. Quand Sœur Marie-Noëlle lui suggère de se couvrir, elle se vexe.

     

    Un jour, Mère Fausta expose à la communauté le nouvel horaire qu'elle veut essayer.  Il n'y a pas sujet à discussion : elle le propose, la communauté doit s'y plier. Une jeune sœur nouvellement admise au chapitre consulte ses constitutions et voit qu'un horaire doit être voté. Elle donne un billet à la supérieure lui confiant quelque sujet spirituel puis conclut par la question de savoir quand l'horaire sera voter. Mère Fausta entre en colère, lui dit que son premier paragraphe ne l'intéresse pas et s'insurge qu'on ait pu vérifier dans les constitutions si ce qu'elle faisait était légitime ou non. De fait, ça ne l'était pas. Mais comme à son habitude, dans de pareils cas, la supérieure reprend son numéro d'être supra-naturel, fixe la nonne et lui sort d'une voix sépulcrale : "Je vois dans tes yeux que tu me juges".

     

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    Lorsqu'il y a des élections tous les trois ans, Mère Fausta, sûre d'être réélue, fait le tour de la communauté et suggère aux soeurs qui elles doivent choisir comme conseillères. Il est vrai qu'aucun membre du conseil n'est véritablement consulté. La supérieure expose ses projets, elle ne demande pas l'aval du conseil. Celui-ci, craignant les esclandres, opine du bonnet. Il en est de même pour toute décision concernant la communauté. Il n'y a pas de discussion au chapitre : on écoute Mère Fausta qui, étant supérieure "connait l'ensemble de la situation" et qui "a la grâce de Dieu" pour décider. Le vote n'est là que pour la forme et les pseudo-décisions sont prises à l'unanimité. Pourtant, Mère Fausta prétend à qui veut l'entendre, que la décision vient de la communauté.

     

    Sœur Marie-Noëlle se confesse de temps à autre au chanoine Fleuri qui vient donner des conférences au couvent. Sœur Martine désirerait en faire autant et en parle à Mère Fausta qui... la laisse libre mais ! Mais qui commence à dénigrer le chanoine, à laisser entendre que son caractère pétillant ne conviendra pas à la calme sœur Martine, qu'il lui arrive aussi de laisser transpirer des choses qu'il entend en confession. Ne lui aurait-il pas dit qu'on la trouvait sévère ? Et qui pourrait la trouver sévère si ce n'est sœur Marie-Noëlle ? Sœur Martine ne ferait-elle pas mieux de se confesser au chanoine Jambois ? La jeune nonne hésite mais l'argument de la discrétion a raison d'elle. Pourtant rien ne la pousse à aller se confier au chanoine Jambois.

     

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    Jeter la suspicion sur la discrétion des confesseurs fait partie des sports favoris de la supérieure. Une sœur se plaint-elle d'être fatiguée ? La supérieure suppose ouvertement qu'elle en a dit un mot au père Adalbert. Car celui-ci ne lui a-t-il pas dit qu'on est bien sollicité par le travail en ces dernières semaines du carême. Puis elle reproche à la sœur de n'avoir pas su organiser ses grands nettoyages de printemps. Cette suspicion va aller crescendo lorsque approchera une période très tendue pour tout le monastère, la dernière année de Mère Fausta à Saint-Hilaire. On entendra à qui mieux mieux, le chanoine Fleuri n'est pas sûr, le père Forteroche n'est pas sûr, le père Louis n'est pas sûr, etc.

     

    Au passage, Mère Fausta ne parle pas non plus en bien des autres communautés orésiennes. Chaque fois qu'elle reçoit leur courrier, à Noël, elle commente ironiquement leur carte de vœux. Les autres couvents sont dit jaloux de l'abondance des vocations à Saint-Hilaire, de ce que la communauté revit après avoir été mourante. Quand Mère Fausta se rend à l'assemblée de l'association orésienne de la région, pour en élire la présidente, elle emmène Soeur Alexandra avec elle et, lorsqu'elles sont de retour, Mère Fausta se répand en commentaires piquants sur les représentantes des autres communautés. Elle seule semble avoir compris ce qu'est le charisme orésien. Mère Fausta ne manquera pourtant pas d'inviter le conseil de l'association à se réunir à Saint-Hilaire, histoire de leur faire admirer son œuvre, ce qu'elle a fait de ce couvent.

     

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    La supérieure ne s'embarrasse pas non plus de vérité et d'objectivité. Elle réécrit l'histoire quotidienne et gare à qui viendrait la contrarier. Un groupe de jeunes filles vient en visite au parloir pour un témoignage. Mal à l'aise quand Mère Fausta se met à prier à haute voix, elles répriment un sourire. Quand la nonne raconte l'incident en récréation, elle prétend que les jeunes filles ont ricané pour se moquer d'elle Un groupe de bénédictins d'une abbaye voisine rend visite au monastère et est même invité en clôture pour voir un atelier. L'un d'eux est américain. La supérieure le présente comme un dominicain. Le jeune religieux la reprend. N'est-il pas habillé de noir et non de blanc ? Qu'importe, Mère Fausta racontera qu'elle a reçu la visite d'un groupe de bénédictins et d'un dominicain. Et pour appuyer ses dires, elle prend à témoin les jeunes nonnes présentes qui n'osent pas la contredire. Le faire serait s'exposer à des reproches. Ce genre d'incidents se répètent pourtant régulièrement. La supérieure se trompe, invente, mais qui oserait le lui faire remarquer ? Mère Fausta en est au point de croire ses propres mensonges.

     

    Si Mère Fausta proteste de son humilité quand elle apprend à ses novices à respecter la prieure, c'est à dire elle-même. Si elle prêche l'obéissance à celle que Dieu a accordé sa grâce pour guider la communauté, c'est à dire elle-même, on ne peut pas dire qu'elle montre le même respect pour ses supérieurs hiérarchiques. Mgr Noël, le prélat chargé de la communauté est souvent décrié pour ses manières, son prétendu antagonisme, etc. On ne parle pas de lui avec respect, on ne dit jamais de lui que Dieu l'a mis à cette place pour veiller au bien de la communauté. Au contraire les sœurs sont "invitées" à ne pas aller lui "confesser les péchés des autres". Mère Fausta fait d'ailleurs comprendre que ce que les sœurs confient au prélat finit par lui revenir aux oreilles. 

     

     

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    Quand l'évêque du lieu atteint la limite d'âge, Mère Fausta fait prier la communauté pour que l'abbé Jambois, le frère du chanoine conférencier, soit choisi comme évêque et il en est ainsi. Elle l'invite, à plusieurs reprises, pour diverses cérémonies et lui offre l'hospitalité pour des vacances à l'hôtellerie du couvent. L'évêque qui apprécie autant une communauté priante, à l'ancienne, que d'être l'objet d'attentions tombe sous le charme. Mère Fausta ne tarit pas d'éloge à son sujet et le portrait de l'ecclésiastique trône sur l'étagère de son bureau. Quand l'évêque, alerté par un de ses vicaires se posera des questions sur le gouvernement de Mère Fausta et s'opposera à ses projets, il tombera de son piédestal et son portrait sera rangé dans un tiroir. Quel esprit de foi !

     

    Crédits photos : Culture pub; La religieuse de Rivette; Santa Teresa de Jesus, Convicción TV; photos personnelles ou libres de droits.


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  •  Lors d'un séjour dans le nord du pays, j'ai eu sous les yeux un magazine catholique néerlandais assez conservateur qui annonçait une fondation de Clarisses américaines à Eindhoven, aux Pays-Bas. Je viens de m'apercevoir qu'il ne s'agit pas d'une fondation. En fait, une communauté de clarisses-colettines sur le déclin avait demandé de l'aide à un monastère américain du même ordre. Quelques années après l'arrivée de ces renforts, le monastère a déménagé à Eindhoven, dans un couvent d'où les dernières sœurs  trop âgées venaient de partir pour une maison de repos.

    L'on trouve à leur sujet plusieurs vidéos sur youtube  nous montrant quelques petits reportages au sein de cette communauté. Nous y voyons les nonnes aller nu-pied à l'intérieur du monastère, les sandales ne sont portées qu'à l'extérieur. Elles portent un habit d'un autre âge. Il n'y a pas de grilles au parloir mais une vitre. Elles se tiennent les mains jointes, paume sur paume au début de l'office où l'on reconnaît des mélodies grégoriennes. Dans l'une de ces vidéos, l'on apprend qu'elles sont dix. Elles ont un site en ligne, mais certains liens renvoient vers des articles en anglais, alors que les Américaines arrivées au milieu des années nonante. Un coup d’œil à leur horaire nous apprend que leur sommeil est interrompu et que le temps accordé au repos nocturne est vraiment fort court.


     

    Certes, un tel décorum attire des jeunes vocations. Cela se comprend parce que les jeunes générations sont souvent en mal de repères. Un cadre structuré avec une identité qui s'affiche partout et de multiples façons, par les vêtements, les us et les coutumes très marquées offrent justement des balises et des repères. Je ne présume pas de la vie intérieure de ces nonnes : Dieu seul connaît le cœur des gens. Je m'interroge seulement sur la raison de l'implantation aux Pays-Bas de ce conservatoire d'anciens usages.

    La communauté était mourante, fallait-il importer des nonnes d'un autre continent pour le renflouer alors que le charisme de l'ordre est bel et bien vivant dans la région ? Attirer des vocations, ce n'est pas tout. Il faut encore les garder. Je ne parle pas de les garder jusqu'à la profession mais sur le long terme, c'est à dire plus de dix ans. Les anciens usages attirent, mais à la longue, ils peuvent s'avérer usant. Il arrive un âge où on acquiert, par la force des choses une maturité, un recul sur la vie telle qu'on puisse en arriver à rejeter ce qui avait d'abord attiré.  Au demeurant, un petit tour sur la toile m'apprend que si le couvent a accueilli dix candidates en une vingtaine d'années, seules deux d'entre elles ont persévéré.

     


     Il se fait que, dans la même ère géographique, à Megen, dans le Brabant néerlandais, l'on trouve un couvent de clarisses qui lui a suivi un aggiornamento plus significatif. Les nonnes portent un habit, mais avec une coiffe plus légère et plus pauvre à mes yeux.  Le message transmis est le même, encore que je le trouve plus profond, plus réfléchi. Le ton n'est pas ampoulé mais actuel, les manières sont plus simples, plus détendues. La clôture est vécue de façon plus souple, plus intérieure. Si les balises visibles ne sont plus là, la clôture est pourtant une réalité. Les sœurs ne sortent pas sans nécessité, mais elles acceptent des hôtes pour des retraites spirituelles.

     


     

    La moyenne d'âge est certes plus élevée à Megen, mais la profondeur de la réflexion est présente. En feuilletant simplement cet album, même sans connaître le néerlandais,  on découvre une communauté où l'on sait faire la part des choses, entre les signes extérieurs pas forcément essentiels et justement cet essentiel. Pour ce que j'en connais, le charisme franciscain me paraît mieux incarné par la simplicité de ces nonnes que par les manières compassées des premières.

     



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