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Par Chélidoine le 24 Juillet 2016 à 13:43
Comme toujours, l'histoire que vous allez lire est vraie, seuls les noms ont été changés pour préserver la réputation des innocents.
Pour ne pas jeter le discrédit sur un ordre religieux qui a souffert et souffre toujours de la situation, nous l’appellerons ordre de St Ores, un saint qui n'existe pas.
Sr Fausta, soeur orésienne depuis près de vingt ans, a semé le trouble dans plusieurs couvents de Flandres et s'est fait renvoyer d'un autre en Terre Sainte. Elle échoue dans une communauté près de sa fin, joue de son charme et en devient la supérieure. Elle accueille ses premières novices et impose au couvent un mode de vie déséquilibré. Une relation trouble la lie à l'une d'elle , Alexandra, à qui elle confie prématurément, pas mal de responsabilités. Des novices et une soeur conventuelle préfèrent quitter le monastère et les premières plaintes parviennent aux oreilles des responsables ecclésiastiques.Pourtant deux jeunes filles , Marie-Noëlle et Martine entre dans ce couvent. Elles se trouvent confrontées au caractère manipulateur de leur supérieure et maîtresse des novices.
Mère Fausta martèle à qui mieux mieux : nous sommes pauvres et les pauvres travaillent dur pour gagner leur vie. Ainsi justifie-t-elle le fait d'entreprendre une à deux fois par an des travaux de réfection où elle fait travailler ses "jeunes" jusqu'à des petites heures, au détriment de leur sommeil et de leur temps de prière. Car ces travaux s'ajoutent au travail ordinaire, rémunérateur ou d'entretien (nettoyage, jardinage, ...)
Certes, le bâtiment est vétuste et mal entretenu, mais tous les travaux entrepris ne se justifient pas. La chapelle est repeinte ou même modifiée tous les deux ou trois ans. On un change un tabernacle de place, on agrandit une porte,... Mère Fausta a un goût prononcé pour le neuf, le clinquant, la surabondance. Il faut une nouvelle machine à coudre pour la roberie ? (l'atelier où l'on coud les vêtements monastiques). Elle en achète six, d'un modèle industriel, trois piqueuses et trois surfileuses. Deux de ces machines vont à l'atelier de vêtements liturgiques. Deux vont à la roberie, deux autres sont en réserve. Or la sœur qui s'occupe de la roberie doit aussi travailler à deux autres ateliers et assumer sa part de travaux d'entretien, elle n'y travaille pas à plein temps. Quant à celle qui l'assiste, elle ne peut pas s'initier, à plus de quatre-vingts ans à la manipulation d'une machine de pointe, assez nerveuse. Le matériel est sous-employé.
Soeur Alexandra s'est-elle plainte de mal de dos ? Elle achète un lit médical sur roulette pour Sœur Jacinthe, une nonne âgée que son alter ego aide à se mettre au lit, tous les soirs. Sœur Jacinthe n'est pas heureuse du changement. Le lit est trop haut pour elle. Peu importe. Mais quand, trois mois plus tard, quand Alexandra a laissé cette tâche à l'une des novices, Mère Fausta fait scier les pieds du lit pour l'abaisser. C'est également sous le même prétexte qu'elle achète un nouveau tracteur-tondeuse alors que l’ancien fonctionne toujours. Sœur Alexandra lui fera remarquer qu'elle ne lui avait rien demandé.
Les réunions communautaires se résument à une "conférence" spirituelle de Mère Fausta. Un jour, elle en donne une sur la confession en insistant sur la nécessité d'une bonne préparation. Ce qui ne l'empêche pas de rejoindre une de ses sœurs en train d'attendre son tour devant le confessionnal pour lui faire une scène au sujet ... de la note du dentiste, comme si la nonne était responsable du prix des prestations, surtout que le choix du praticien lui est imposé.Souvenez-vous de Sœur Agnès, une religieuse âgée, fille unique qui avait bénéficié d'un congé hors monastère, le temps de prendre soin de ses vieux parents. Lorsque sa mère a rendu son dernier soupir, Mère Fausta l'a contactée pour lui parler ... de l'héritage. Cet argent passera dans la réfection des bâtiments, des embellissements, ... Mais quand la vieille nonne aura besoin d'un appareil auditif, Mère Fausta fera en sorte qu'elle ait le meilleur marché et le moins performant.
Mère Fausta sait comment manipuler son entourage pour remplir ses caisses. Elle envisage l'achat d'un four électrique pour la boulangerie ? Elle demande "conseil" au père abbé d'un monastère avec laquelle elle est parfois en contact. Elle sait si bien exposer son cas, que le vieil abbé veut faire un geste envers ce monastère, qui d'ailleurs n'est pas de son ordre. Un autre supérieur d'un autre ordre a vu l'état de délabrement des bâtiments, il ne se contente pas de lui passer commande hebdomadaire de pains pour son monastère ou de lui confier la reliure de toutes les revues de sa communauté, il lui envoie son propre comptable et lui fait un don mensuel très conséquent, équivalent à deux fois et demi le salaire d'un infirmier ou d'un instituteur débutant.
Mais cela ne se limite pas là. Il y aura aussi des dons ponctuels, des prêts sans intérêts, etc. pour financer les travaux incessants du couvent. Le vieil abbé finit par être remplacé et son successeur est moins enclin à lune telle générosité. C'est que son monastère a avancé les fonds pour la reconstruction d'un nouveau cloître. Mère Fausta en a profité pour faire refaire la bibliothèque et une bonne partie de la toiture. Le montant des travaux avoisine à trois fois le prix d'une grande maison. Et comme cela ne peut éteindre la soif d'agrandissement de la religieuse fantasque, elle a également fait construire de nouveaux ateliers.
Lorsque Sœur Valérie est près de faire ses vœux temporaires, elle lui fait signer un document qui transfère les biens de la jeune femme au monastère, condition sine qua non, selon elle, pour que la novice puisse faire sa profession. Et pourtant, canoniquement, il n'en est rien. La profession temporaire implique des vœux simples durant lesquels le religieux garde la propriété de ses biens mais en confie la gérance à qui il veut. Quand sœur Valérie, bien plus tard quittera les ordres, sans avoir prononcé de vœux perpétuels, il lui faudra faire des pieds et des mains pour récupérer cette somme, par petites mensualités, sans les intérêts et ... frais dentaires et prix de lunettes déduits, une autre infraction aux lois monacales.
Mère Fausta prend prétexte d'une parole du nouveau père abbé pour rénover entièrement l'atelier de reliure, l'équiper de nouvelles machines, sans trop tenir compte des premières intéressées celles qui y travaillent, ni des élections qui se préparent et qui vont apporter un grand bouleversement dans la vie de la communauté, comme si elle se trouvait dans une position indéboulonnable.
Les responsables des finances de l'abbaye créditrice rendent visite à la supérieure et lui font une proposition pour recouvrir l'argent prêté : qu'elle leur cède des titres placés en bourse par les bons soins de l'abbaye. Sans même consulter les conseillères ou le chapitre, elle accepte. Elle se contente d'annoncer la chose avec un sourire béat à la communauté. Hormis le fait que les constitutions de son ordre ne lui permettent pas de disposer à son gré de la somme ainsi cédée, les titres en question sont constitués des dots des sœurs. Mère Fausta prend tout simplement prétexte que le nouveau code de droit canonique n'en demande plus pour disposer de cet argent à sa guise, contrairement aux usages religieux. Ceux-ci veulent que la somme de la dot soit entièrement remise à la sœur qui quitte les ordres, mais sans les intérêts.
Episode 1 , épisode 2 , épisode 3 , épisode 4 , épisode 5, épisode 6, épisode 7,
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Par Chélidoine le 24 Juillet 2016 à 13:40
Le film de Philippe Agostini sortit sur les écrans en 1960, il y a plus de cinquante ans. Il est inspiré de la nouvelle de Gertrud von Le Fort " La dernière à l'échafaud" et de l’œuvre posthume de Bernanos qui en écrivit les dialogues.
On y raconte qu'une novice du carmel de Compiègne qui avait d'abord fui devant la perspective d'une mort violente rejoignit ses soeurs au pied de la guillotine. Si les carmélites de Compiègne ont bel et bien été exécutées durant la Terreur, en 1794, elles n'avaient aucune novice du nom de Blanche de la Force, sœur Blanche de l'agonie du Christ.
Les faits qui ont inspiré le film, comme la pièce de théâtre et l'opéra se sont déroulés à Compiègne puis à Paris de 1789 à 1794. L'assemblée nationale ayant suspendu les vœux des religieux, Sr Constance ne put faire sa profession. Malgré les protestations de sa famille (son frère tenta de l'emmener avec lui) elle préféra rester au couvent, avec ses consœurs. En 1792, les carmélites furent expulsées de leur couvent. Elles vivèrent alors en petits groupes, dans des maisons qui communiquaient entre elles et continuèrent cachément leur vie religieuse. Elles furent arrêtées en 1794, incarcérées durant quelques semaines, puis conduites à Paris pour y être jugées et guillotinées. Trois soeurs qui avaient dû s'absenter pour des raisons familiales échappèrent à l'arrestation et à la mort. L'une mourut de mort naturelle, on aurait perdu la trace d'une seconde, quant à la dernière, Marie de l'Incarnation, elle survécut, après avoir traversé bien des épreuves, et parvint à récolter des documents et des témoignages sur le martyr de ses consœurs.
Revenons-en au film, à présent. Est-il vraiment utile de préciser qu'il ne faut pas y chercher un parfait tableau de la vie religieuse ou même de la vie carmélitaine ? Allons, sacrifions à l'habitude de relever les incohérences. Le film fait débuter la vie religieuse avec la prise d'habit et ignore l'étape du postulat. Les deux jeunes candidates reçoivent un crucifix, alors que c'est le signe de la profession, et un anneau qu'elles mettent elles-même au doigt. Outre le fait que l'anneau se reçoit à la profession, les carmélites n'en portent pas.
On ne tient pas une récréation dans les cloîtres, ni au préau, mais on peut la faire au jardin. On ne parle pas dans les lieux réguliers, c'est à dire dans les couloirs, le réfectoire, la chapelle, le chœur. L'échange de paroles se limite au minimum la plupart du temps sauf au moment des récréations, qui suivent les repas. On ne mange pas non plus sans permission et Sr Constance manque gravement aux règles en dévorant quatre pommes. Quant à regarder par dessus le mur de clôture, c'est loin d'être considéré comme une peccadille à l'époque. La prieure déclare que la règle autorise une sœur à voir sa famille. C'est vrai, mais les parloirs et leur fréquence sont régulés et n'ont pas lieu la nuit, temps du grand silence. Les tourières, à l'époque, n'étaient pas des religieuses mais des servantes laïques.
Les grilles et les portes sont solides et ne se déforment pas sous la poussée d'une foule en délire. Il aurait fallu un marteau pour les démanteler et autre chose qu'une poutre de bois pour enfoncer une porte de clôture. Si un ange transperce le cœur de Thérèse d'Avila, ce n'est pas avec un glaive, mais une lance au bout enflammé et ce n'est pas pour la faire mourir, mais pour la consumer d'amour. L'épisode est assez connu au Carmel pour faire l'objet d'une fête. On se demande pourquoi une novice l'ignorait. Autrefois, les carmélites prononçaient leurs voeux au chapitre, devant la communauté, sans la présence d'un prêtre. La cérémonie publique était la prise de voile, au cours de laquelle on leur remettait le voile noir. Les carmélites ne dorment pas sur une simple planche de bois. Même autrefois, elles disposaient d'une paillasse. Il n'y a pas de crâne dans leur cellule. Le crâne trônait au réfectoire.
Passons au chapitre vestimentaire dont raffolent certains lecteurs de ce blog. Le costume très séant porté par les actrices n'est pas celui des carmélites. Celles-ci portent une toque qui laissent leur front dégagé et attachent leur voile à un doigt du bord de leur coiffe. Le scapulaire est passé sur la toque, les bretelles sont apparentes. Elles portent une ceinture de cuir et non de corde qui est un apanage franciscain. Le voile qu'elles portaient pour masquer leur visage était de toile et non de gaze. Elles voyaient au travers (faites l'expérience !) mais leurs vis à vis ne distinguaient pas leurs traits. Ce voile était de la même couleur que leur voile du dessous. Les novices et les converses en portaient un blanc.
Mais au fait, tout cela a très peu, vraiment très peu d'importance. Parce que le film n'est pas à prendre au premier degré, comme une relation exacte des faits, mais au second degré, comme une réflexion sur notre regard face à la mort. Rappelons que Bernanos qui écrivit les dialogues n'a jamais vu le film. Il était aux prises avec la maladie qui allait l'emporter quand il rédigea cette œuvre. On la découvrit après son décès.
Passons sur le fait que les novices ou les nonnes font la causette dans le cloître ou là où elles ne le devraient pas, écoutons plutôt ce qu'elles racontent. Le personnage de Blanche de la Force n'a jamais existé. C'est simplement l'incarnation de nos peurs, de notre angoisse face à la mort. La réflexion sur l'opportunité du sacrifice, du martyr s'élève bien au-dessus d'une histoire de régularité, d'habits et de chiffons. Le nœud, le cœur de la trame se trouve bien là. Est-il opportun, indiqué, utile, de mourir en martyr ? D'ailleurs, à y regarder de plus près, chacun des ces rôles représente, non un personnage historique, mais un état d'esprit.
La mère prieure incarne la voix de la prudence et de la raison. Elle ne cherche pas la mort pour elle-même. Elle est juste prête à assumer les conséquences de ses engagements. Il lui importe d'abord de préserver la communauté. Elle ne prononce pas le vœu de martyr, elle le juge même inconsidéré. Elle envisage un déménagement pour soustraire "ses filles" au danger. Elle vise d'abord la préservation de la vie de ses sœurs et de la vie de l'ordre.
Mère Marie de l'Incarnation offre sa voix à une certaine radicalité qui frise l'intransigeance. Elle voit dans le cours que prennent les événements un signe de la volonté divine. Pour elle, il ne fait pas de doute que Dieu attend ce sacrifice d'elle et de ses consœurs. S'y dérober, chercher à y échapper serait de la lâcheté. Elle profite de l'absence de la prieure et des menaces plus pressantes sur la communauté pour lui faire prononcer un vœu de martyr. Elle pousse Blanche de la Force à s'y montrer fidèle et s'apprête à regagner ses consœurs condamnées à mort.
Lorsque Blanche rencontre Mère Marie, elles portent toutes les deux le même type de vêtement : une collerette blanche et un fichu noir qui rappelle leur tenue monacale. L'une veut aller au devant de la mort, l'autre recule, effrayée, se demandant quel sens cela peut avoir. Ces deux personnages incarnent ce qui a pu se passer dans la tête et dans le cœur de ces femmes qui ont été confrontées, un jour, à la conséquence de leurs engagements. On pourrait même y voir les deux facettes d'une même personne face à un choix crucial.
Dans la réalité, les carmélites de Compiègne n'ont pas fait ce vœu de martyr, mais elles ont offert solennellement leur vie à Dieu, en sacrifice, et ont renouvelé chaque jour cette oblation. Sans nulle doute, certaines ont dû trembler et frémir devant ce que cela pouvait impliquer.
Le film se termine en inversant les routes toutes tracées car nul ne choisit son destin ou sa mort. Mère Marie de l'Incarnation est empêchée de réaliser son vœu, l’aumônier la retient; en effet, elle doit vivre pour perpétuer le carmel. La prieure qui n'a pas fait ce vœu, le réalise en acceptant le cours des choses et fait courageusement face à sa destinée. Elle accompagne ses sœurs et les soutient dans leur chemin vers le martyr, elle les aide à mourir dignement.
Quant à Blanche de la Force, elle se montre enfin digne du nom que lui a donné l'écrivaine qui l'a créée, au fait son propre nom: von Le Fort. La vieille prieure qui l'avait accueillie est morte dans l'angoisse pour que la jeune novice puisse aller d'un pas allègre vers l'échafaud. Les deux femmes semblent avoir échangé leur mort comme on échange un vêtement au vestiaire, écrira Bernanos. Elle rejoint le groupe des condamnées, reçoit le manteau de la prieure et gravit en chantant l'escalier qui mène à la guillotine. Avec ce personnage, c'est la peur elle-même qui s'éteint ou plutôt qui est transcendée. Au delà de la mort inéluctable, reste la force de caractère pour faire face aux événements funestes, la confiance en Dieu et la foi en la vie éternelle.
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Par Chélidoine le 24 Juillet 2016 à 13:37
Mon âme se repose en paix sur Dieu seul
De lui vient mon salut
Oui, sur Dieu seul, mon âme se repose
Se repose en paix.
Psaume 67 par le Wesminster Abbey Choir
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Par Chélidoine le 24 Juillet 2016 à 13:36
Pour illustrer ce blog, je vais de temps en temps faire des captures d'écran de films anciens. C'est ainsi que j'ai retrouvé un film vieux de près de trente ans : Thérèse, par Alain Cavalier.
Le film a de grandes qualités cinématographiques et j'apprécie toujours de pouvoir le revoir. Mais une chose doit être claire dans la tête du spectateur. Le film s'inspire de la vie de Thérèse de Lisieux, il ne la retrace pas avec exactitude. Les scènes traduisent, rendent des réalités vécues par la carmélite lexovienne mais d'une manière évocatrice, imagée. Ce serait un erreur de vouloir reconstituer le quotidien de la jeune religieuse par le biais de ce film.
Par exemple, le réalisateur fond en un seul personnage, deux religieuses différentes en romançant sur leur passé. Il y avait bel et bien une veuve au Carmel de Lisieux, mais elle a survécu à Thérèse. D'un autre côté, la jeune nonne a connu la fondatrice du couvent et a recueilli l'une de ses larmes quand elle est décédée.
Pas de Sr Lucie dans la "vraie vie", mais l'une des sœurs que Thérèse s'était proposée d'aider et dont la compagnie était fuie par "les meilleures", qui considérait cela au-dessus leurs forces, a fini par quitter la vie religieuse à cause de sa neurasthénie. Ce n'est pas cette sœur qui fut écartée de Thérèse, une fois celle-ci malade, à cause de la contagion, mais une jeune novice qu'elle avait formée et qui lui était très attachée.
Des paroles prononcées par des personnes différentes se retrouvent dans la bouche de la supérieure, des états d'esprit sont verbalisés dans des dialogues qui résument bien ce qu'il en était mais qui n'ont jamais eu lieu, etc. Le langage est résolument moderne, mais totalement déphasé avec les paroles, et surtout les non-dits, d'usage à l'époque. Le chapelain n'était pas le supérieur hiérarchique des carmélites, et celui-ci n'a jamais dit au père de Thérèse qu'il voulait caser ses filles parce qu'il avait la bougeotte. Mais il est vrai aimait beaucoup voyager. Céline n'a pas fait reproche à ses sœurs d'avoir provoquer la maladie de son père. Mais dans le film, elle exprime les rumeurs qui couraient à Lisieux, à cette époque. En fait, Louis Martin souffrait d'artériosclérose.
Le film ne rend pas la durée de la vie de Thérèse au Carmel, neuf ans, avec ses longueurs, l'exercice de la patience, l'alternance des supérieures, le passage de l'adolescence à l'âge adulte ; Thérèse entre à quinze ans et meurt à vingt-quatre ans. Il prend de grandes libertés avec la chronologie (on ne voit pas de postulat, par exemple).
Quelques détails anecdotiques. Il était impossible, à l'époque, de s'embrasser à travers la grille d'un parloir. La grille était double avec de petits croisillons et, de plus, elle était hérissée de picots. Les habits des carmélites sont plus ou moins respectés, mais ils sont simplifiés pour les rendre, sans doute, plus esthétiques. Se faire flageller par une autre soeur n'était pas une mortification pratiquée à Lisieux. Par contre, on la retrouve dans la biographie d'une prieure très encline à ce genre de macérations. Céline n'a jamais eu de fiancé nommé Sébastien et la maladie de Louis Martin est survenue après qu'elle lui ait annoncé d'entrer, à son tour, au couvent. Le cinéaste passe sous silence le "vilain petit canard" de la famille, Léonie, qui a fini par rentrer à la Visitation, après deux tentatives avortées.
Bref, pour démêler le rendu évocateur et symbolique des faits réels, mieux avoir lu les œuvres complètes de Thérèse, avec toutes ses annotations.
Crédits Photos : Thérèse, Alain Cavalier.
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Par Chélidoine le 24 Juillet 2016 à 13:34
Comme toujours, l'histoire que vous allez lire est vraie, seuls les noms ont été changés pour préserver la réputation des innocents.
Pour ne pas jeter le discrédit sur un ordre religieux qui a souffert et souffre toujours de la situation, nous l'appellerons ordre de St Ores, un saint qui n'existe pas.
Sr Fausta, soeur orésienne depuis près de vingt ans, a semé le trouble dans plusieurs couvents de Flandres et s'est fait renvoyer d'un autre en Terre Sainte. Elle échoue dans une communauté près de sa fin, joue de son charme et en devient la supérieure. Elle accueille ses premières novices et impose au couvent un mode de vie déséquilibré. Une relation trouble la lie à l'une d'elle , Alexandra, à qui elle confie prématurément, pas mal de responsabilités. Des novices et une soeur conventuelle préfère quitter le monastère et les premières plaintes parviennent aux oreilles des responsables ecclésiastiques. Pourtant deux jeunes filles , Marie-Noëlle et Martine entre dans ce couvent.
Martine entre à saint-Hilaire au courant de l'été 1986. Ses parents, à qui elle avait confié le soin de gérer ses actions en bourse, préfère les donner à Mère Fausta, considérant qu'une dot doit être donnée au couvent. La religieuse a toujours dit que l'argent qu'une candidate amène en entrant est placé et que seuls les intérêts vont au couvent. Pourtant quand soeur Angeline a rejoint sainte-Barbe, la supérieure a été bien embarrassée pour faire passer cette dot à la nouvelle communauté. Elle a dû procéder par versements successifs. L'argent censé être placé avait été dépensé.
Mère Fausta a assuré Martine que le courrier qui arrivait au couvent était rendu tel quel aux religieuses et que les lettres que les sœurs envoyait n'était pas lues. Mais quand elle explique à la jeune postulante comment certaines petites pratiques du couvent, elle lui raconte que Marie-Noëlle lui donne ses lettres à lire avant de les envoyer, que ce sont ces parents qui lui ont demandé de le faire, qu'elle ne doit pas s'étonner de cela. Il passe bien par la tête de Martine qu'elle ne s'en serait pas aperçue, qu'elle n'irait pas regarder si les lettres de Marie-Noëlle sont ouvertes ou non. Mais Mère Fausta a une telle aura que l'idée ne fait que traverser son esprit très rapidement. La jeune fille se demande si elle ne devrait pas en faire autant. Mère Fausta assure qu'elle la laisse libre, que cela lui permettrait de mieux la connaître, mais qu'elle fera comme elle veut, et que si un jour elle remet son courrier fermé, après l'avoir remis ouvert, elle ne posera aucune question. Martine décide donc de laisser ses lettres ouvertes, parce qu'elle ne veut pas faire les choses à moitié et qu'elle veut tout donner à Dieu.
Et pourtant, quelques mois plus tard, quand Martine va prendre l'habit, elle envoie un courrier pour clôturer son dernier compte en banque et le remet fermé, Mère Fausta vient la trouver, elle lui reproche son manque d'ouverture, de faire des choses cachément. Elle l'accuse de ne pas lui avoir parlé d'un courrier de son père spirituel qu'elle a invité à sa vêture. Martine ne pourrait pas lui en parler, pour la bonne et simple raison qu'elle ne l'a pas reçu. Le discours de la supérieure ne tient pas debout, mais la jeune candidate passe allègrement par-dessus toutes ces contradictions.
Les contradictions sont pourtant nombreuses. Une fois que Martine a pris l'habit, elle voit l'attitude de la prieure changer à son égard. Elle se montre susceptible, colérique, versatile. Alors que le noviciat est consacré à la formation et suppose que la candidate puisse consacrer plus de temps à la prière et à la lecture, Martine et Marie-Noëlle se voient constamment surchargées de travail. On leur en demande plus que de temps dont elles ne disposent.Bien des fois, Martine voit des choses, des situations, qui lui apparaissent comme anormales, mais elle se tait, elle n'ose rien dire. Mère Fausta lui fait une telle impression qu'il lui serait difficile de la contredire. Et pourtant ... Pour sa fête, Mère Fausta a reçu des cadeaux des sœurs. Sœur Jeanne, âgée et de mauvaise santé, lui a fabriqué une crèche en contreplaqué. Lorsque cette dernière vient au bureau de Mère Fausta alors que celle-ci est en conversation avec Martine, la supérieure se plaint du présent, dit qu'elle ne sait qu'en faire, qu'il lui aurait fallu un cadeau utile. Sœur Jeanne suggère qu'on peut le donner aux frères et sœurs de Sœur Marie-Noëlle, mais la supérieure rétorque sèchement que les enfants d'aujourd'hui veulent "du beau".
Il est évident que Sr Marie-Noëlle n'est pas à sa place dans un couvent, malgré toute sa piété. Cette jeune sœur a trop de tempérament, elle vit sur le nerfs, ne sait pas se plier aux règles, respecter une consigne, un interdit. Son caractère primesautier se heurte souvent à celui de sa maîtresse des novices et à celui, plus colérique, de Sr Alexandra. Pourtant Mère Fausta ne manque pas de la laisser sous la responsabilité de cette dernière, en ce qui concerne le travail. Les deux nonnes se disputent le plus clair de leur temps.
Ces disputes prennent des allures de scènes violentes, au point verbal. La Mère Fausta, sous couvert d'aider à comprendre l'autre, distille sournoisement des informations peu valorisantes d'une soeur à une autre. Manquant à la plus élémentaire discrétion, elle révèle lors d'entretiens privés des détails recueillis sous le sceau de la confidence, concernant la vie et la famille des novices. Mais elle enrobe si bien les choses et la fascination qu'elle exerce sur ses jeunes recrues est telle qu'elles ne se récrient pas en entendant de telles indiscrétions.
Loin "d'aider à comprendre" ces détails indiscrets sèment la suspicion et le discrédit entre les sœurs, surtout les plus jeunes. Ils entretiennent un climat de suspicion et d'hostilité, favorisent la délation de menus manquements. Sr Martine se croit obligée d'avouer tout ce qui lui tape sur les nerfs dans le comportement de Sr Marie-Noëlle alors qu'elle n'aurait tout simplement ignorer pas mal de choses, si Mère Fausta n'avait insidieusement porté son attention sur les petits côtés de sa compagne de noviciat.
Lors de ses frottements avec cette novice qui la prend parfois en défaut, Mère Fausta proteste souvent de son "humilité", un mot qui lui revient souvent à la bouche, pourtant le fait est qu'elle ne supporte pas la contradiction. Très souvent, elle met en avant que, selon les termes de la règle, Dieu l'a placée à cette place et qu'il a dit aux chefs des Eglises "qui vous écoute, m'écoute". Elle tient donc que sa parole est "parole de Dieu" et que ne pas l'écouter, la prendre au sérieux est un manque de foi. Et cela qu'il s'agisse de choses spirituelles comme d'autres, des plus banales comme de déplacer un vase ou d'ouvrir une porte. Si une sœur oublie l'une de ses recommandations, comme de mettre tel ingrédient dans la soupe, il s'agit donc, pour Mère Fausta, d'un manque de foi.
Une sœur prend-elle une initiative, sans la consulter, parce qu'il s'agit d'une chose ordinaire, qui lui semble aller de soi ? Elle manque à l'obéissance, parce qu'elle n'a pas demandé l'avis de la supérieure. Mais si la sœur prend la peine de la consulter pour ce genre de détail insignifiant et qu'elle la dérange lorsqu'elle est en train de travailler, cette sœur est un bébé, une irresponsable, on ne peut pas compter sur elle. Mère Fausta est quelqu'un avec qui on ne sait jamais sur quel pied danser et avec qui on se demande toujours si on fait bien ou mal en agissant comme ceci ou comme cela.
Mère Fausta sait toujours mieux que vous ce que vous pensez et ce dont vous vous souvenez. Elle fait une scène à une novice parce qu'elle ne trouve pas un numéro d'une revue religieuse dans la bibliothèque du noviciat dont cette sœur est responsable. Elle a abonné le noviciat à cette revue, dit-elle haut et fort, mais la novice qui est là depuis près deux ans n'en a jamais vu aucun exemplaire. Elle hausse le ton, menace d'aller chercher la souche du bulletin de virement. La novice bredouille : elle n'a aucun souvenir d'avoir reçu cette revue. Mère Fausta la gronde en l'accusant de n'avoir pas d'ordre, puis s'en va, mécontente.
S'il est bien un calvaire pour Sœur Martine et Sœur Marie-Noëlle se sont bien les répétitions de chant. Non seulement elles se prolongent à l'infini, sans le souci du respect de l'horaire — Mère Fausta n'a aucun scrupule à empiéter sur l'heure où l'office doit commencer, tant pis pour le reste de la communauté qui l'attend respectueusement pendant parfois plus de vingt minutes — Mais en ce domaine aussi Mère Fausta prétend en connaître plus que ses deux novices. Pourtant l'une et l'autre ont accompli leur cursus de solfège en entier et joue chacune d'un instrument. La prieure argue de son approche "priante" du chant pour ne pas respecter une partition. Elle prend ses libertés avec la mélodie, les autres n'ont qu'à la suivre et retenir celle qu'elle veut chanter. Quant au rythme, elle ne sait pas trop de quoi il s'agit.
Crédits photos : La religieuse, Rivette ; Sister Act ; femmez et religieuses (captures d'écran).
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