• Une grosse erreur de costume dans un téléfilm m'a plongé dans des recherches sur l'histoire de la Compagnie des Filles de la Charité. Cela ne vous dit rien ? C'est pourtant le nom officiel des Sœurs de St Vincent de Paul. Oui, la bonne sœur à cornette ... comme dans la série des "Gendarmes" avec Louis de Funès. A ce détail près que ce couvre-chef impressionnant a été abandonné il y a cinquante ans.

     

     

    Je reprends ce bon mot que j'ai lu ailleurs : la sœur de charité qui passe pour le prototype de la religieuse dans le grand public, n'en pas une. Oui, vous avez bien lu : les Filles de la Charité, les sœurs de St Vincent de Paul ne sont pas des religieuses. C'est l'histoire d'une gentille entourloupe, un petit tour de passe-passe très intelligent.

     

    Monsieur Vincent est un prêtre français, né à la fin du XVIe siècle et qui est décédé en 1660. Il se dévoua au service des plus pauvres et des délaissés de son époque. Pour l'aider dans son apostolat, il s'adjoignit l'aide de dames charitables, puis de paysannes qui venaient à l'origine des alentours de Paris. Ces filles de la campagne conservèrent leur costume traditionnel et il fallut plusieurs siècles pour que ce qui n'était que la bande avant d'un chaperon devînt cette coiffe monumentale bien connue du cinéma.

    A cette époque de la Contre-Réforme, de nouvelles congrégations et familles religieuses voient le jour. Mais parallèlement, les règles qui encadrent la vie religieuse féminine deviennent plus strictes. On leur impose, progressivement, la clôture, c'est à dire un certain confinement : plus question de sortir du couvent. C'est ainsi que François de Sales qui venait de fonder une congrégation vouée à la visite, se voit contraint à renoncer à ce projet initial : ses dévotes ont prononcé des vœux, elles doivent garder la clôture. Les sœurs de la visitation deviendront des contemplatives.

     

    Pour échapper à cette contrainte, Monsieur Vincent ne fera pas prononcer des vœux à ses Filles. Elles feront des promesses et, encore de nos jours, leur Compagnie n'est pas une congrégation mais une société de vie apostolique, une association où l'on ne prononce pas de vœux.

     


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  • Commençons par une vidéo postée sur youtube où l'on voit la prise d'habit d'une jeune clarisse. Cela se passe vraisemblablement aux Etats-Unis où l'on est très friand de ce genre d'évènement et d'habit à l'ancienne.

     


     

    Comme je l'ai déjà expliqué ailleurs, nous ne sommes pas ici pour nous arrêter aux aspects extérieurs, au folklore, oserais-je dire. Oui, une prise d'habit, c'est très joli, émouvant, etc. Ce n'est pas pour ça qu'il faut s'arrêter à l'esthétique ou aux sentiments. Quel que soit le poids émotionnel, il faut tout de même rappeler qu'une prise d'habit n'est QU'une prise d'habit. C'est l'entrée au noviciat et rien d'autre. La novice peut quitter à tout moment le monastère comme la communauté peut à tout moment la renvoyer. L'usage de la robe de mariée a été abandonné, pour cette raison, un peu partout, sauf dans des endroits fort attachés aux vieilles habitudes. Dans certains monastères, la prise d'habit a même lieu à un moment où la chapelle est peu fréquentée, pour lui conserver un caractère discret. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le cas ici. Mais cela se comprend étant donné la référence franciscaine.

     

    La prise d'habit de Claire a été un tournant assez marquant dans l'histoire de la famille franciscaine. La jeune fille s'enfuit de nuit dans ses plus beaux atours. Elle abandonne ses vêtements magnifiques, se fait couper les cheveux par le frère François et revêt l'habit. Une fois les cheveux coupés, elle est considérée par les mœurs des temps comme consacrée à Dieu et sa famille ne peut la récupérer. Ne pouvant rester dans la compagnie trop masculine de François et de ses frères, elle rejoint un monastère bénédictin où elle reçoit sa formation.  Cet évènement historique est la raison pour laquelle, chez les clarisses l'habillage, si je puis dire, se passe intégralement au chœur. La jeune fille reçoit l'habit, préalablement béni, puis la corde qui lui tiendra lieu de ceinture. Cette corde ne porte pas encore de nœuds qui sont les symboles de la profession religieuse. Ensuite, on lui coupe les cheveux publiquement, comme il en fut de Claire, la fondatrice, puis elle reçoit la coiffe et le voile.

     

    Mais si j'ai posté cette vidéo ici, ce n'est pas tant pour commenter les usages franciscains que pour m'interroger sur l'âge de la jeune personne. Dix-huit ans ! Comme Claire d'Assise, diront certains, mais c'est que nous vivons en d'autres temps. Au moyen-âge, une femme de la noblesse, comme Claire, n'avait pas le choix entre plusieurs perspectives de carrières : épouse ou nonne, il n'y avait guère de possibilités.

     

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    Nous vivons au XXIe siècle. Quand une jeune fille ne persévère pas au couvent — rappelons qu'une prise d'habit n'est pas un engagement définitif — qu'advient-il d'elle ? Elle doit sortir et se réinsérer dans la vie de tous les jours. Si elle n'a pas de formation préalable, si elle n'a pas un diplôme en poche, une formation professionnelle, les conséquences peuvent être lourdes pour son avenir.

     

    Une jeune fille peu réfléchie avait été enthousiasmée par sa retraite de fin de secondaire dans un carmel. Elle demanda à y entrer, alors que son entourage lui demandait d'y réfléchir à deux fois.  Trois jours plus tard, confrontée à la réalité de la vie religieuse, elle préféra s'enfuir, en enjambant, après la messe, le muret qui séparait le chœur de la chapelle. Elle téléphona ensuite au monastère demandant qu'on lui préparât ses affaires et expliquant que sa mère allait venir les chercher. Qu'est-ce que trois jours durant une période de vacances scolaires ? Sitôt sortie, elle alla se renseigner sur les possibilités qui s'offraient à elle et s'inscrivit à l'université.

     

    Tout ne se termine pas toujours aussi bien que cet épisode un peu cocasse, avouons-le. Béatrice, une autre jeune fille entra tout aussi jeune dans un monastère. La vocation lui était venue subitement pendant une procession du saint sacrement. Elle plaqua son petit ami de l'époque et insista si bien auprès de la supérieure du couvent que celle-ci l'admit au postulat alors qu'elle n'avait que dix-huit ans. Les monastères du même ordre trouvait un peu imprudent d'admettre une candidate aussi jeune, mais elle semblait, aux yeux de la communauté qui l'accueillait, avoir une solide vocation. Au début, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. La jeune novice fit profession dans la joie. Mais cela ne résista pas à l'épreuve du temps. Elle était la plus jeune de sa communauté, une autre soeur, entrée avant elle était de vingt ans son aînée. Le reste de la communauté avait l'âge d'être sa grand-mère. Peu réjouissant quand s'émousse l'enthousiasme du début et qu'il faut durer dans le temps. Le désarroi fit surface, on l'envoya suivre un cours de théologie, avec des séminaristes. Puis sa santé faiblit et elle dût prendre du repos, à l'extérieur du monastère. Elle finit, dix ans après son entrée à sortir définitivement du couvent, elle se fit séculariser. Heureusement pour elle, elle avait suivi une formation professionnelle et, malgré son jeune âge, elle avait un métier dans les doigts, ce qui lui permettait de se réinsérer dans la société.

     

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    Ce n'était pas le cas d'Annette, appelons là ainsi. Elle faisait ses études quand elle ressentit l'appel. Imprudemment, la maîtresse des novices avec qui elle prit contact, la poussa à interrompre ses études pour entrer au couvent. A l'intérieur de celui-ci, les choses ne se passaient pas comme elles auraient dû se passer. Les dysfonctionnements prirent une telle proportion que les autorités ecclésiastiques intervinrent pour déposer la supérieure et en nommer une autre. Annette fit de son mieux mais marquée par les mauvaises années qu'elle venait de vivre, elle finit par demander son transfert dans un monastère du même ordre. Elle y fut bien accueillie et accompagnée dans son cheminement. Celui-ci la conduisit à quitter les ordres. Elle se retrouva dehors sans métier ni formation. Elle doit vivre chichement en exerçant des petits métiers peu rémunérés comme dame de compagnie.

     

    Vous avez entendu l'appel, mais vous avez moins de vingt-cinq ans ? Ne vous précipitez pas et achevez votre formation. Faites l'expérience du travail dans la vie civile, cela ne vous fera pas de mal. Si votre vocation est véritable, ce n'est pas ce délai qui la fera s'envoler. Méfiez-vous de ceux et celles qui veulent vous faire tout interrompre pour vous embrigader. Ce n'est pas un signe de sérieux de la part de l'institut.

     

    J'entends d'ici l'objection : Thérèse de Lisieux est bien rentrée à quinze ans. Je peux même ajouter qu'après elle, on a admit une candidate de ... treize ans ! A l'époque, l'âge de la nubilité était de quinze ans et trois mois pour les filles. Vous conseilleriez à une jeune fille de se marier si jeune ? Je ne le pense pas. A l'époque, l'entrée d'une "enfant aussi jeune" à Lisieux n'a pas fait l'unanimité chez les supérieurs ecclésiastiques. Thérèse a entendu de ses propres oreilles les remontrances d'un prélat aux sœurs qui l'accueillaient. Pas plus que nous ne vivons plus au moyen-âge, nous ne vivons plus non plus au XIXe siècle où il suffisait qu'une femme ait une instruction minimale, qu'elle sache coudre et cuisiner pour trouver à se caser.

     

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    Des bénédictines avaient imprudemment accepté chez elles une certaine Ursule, une jeune fille peu formée. Elle avait dix-neuf ans. Comme elle ne se sentait pas à l'aise dans leur spiritualité, elle retourna chez ses parents. Cependant son désir de vie religieuse était toujours vivace, elle frappa donc à la porte d'un carmel qui lui demanda de travailler un peu. Un peu peu, puisqu'on fixa le délai à six mois. Un an aurait été préférable. Après trois mois, la jeune fille se plaignit d'une entorse au poignet, du rythme de travail et de bien d'autres choses. Les bonnes sœurs la prirent en pitié et estimèrent qu'elle avait fait preuve de bonne volonté; elles l'admirent au postulat.

     

    Ursule n'y prit jamais l'habit parce qu'il devint peu à peu évident qu'elle cherchait un refuge dans la vie religieuse. Dès qu'on la mettait face à certaines exigences, qu'on la contrariait, elle se déclarait malade, gardait le lit. Tout lui était prétexte à fuir la réalité de la vie. Les carmélites durent la renvoyer en lui demandant d'attendre un moment avant de se représenter ailleurs. Ursule n'en avait cure, elle n'était pas dehors depuis une semaine qu'elle se remettait en quête d'un couvent. Elle a fini  dans une communauté vieillissante de clarisses où les sœurs fort âgées pouvaient jouer à bonne-maman avec la petite jeunette et ceci au grand dam d'autres monastères de cet ordre qui voyait clair dans les motivations de la jeune personne. Qu'arrivera-t-il, se disaient-elles, le jour où ce monastère fermera à cause du vieillissement des vocations, où faudra-t-il replacer Sœur Sara ?

     

    C'est ce qui vient d'arriver : ce monastère vient de fermer. Ursule ne persévère pas dans l'ordre. Elle est à présent dans une communauté religieuse à orientation œcuménique. Espérons de tout notre cœur qu'elle y trouvera sa voix.

     


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  • Comme toujours, l'histoire que vous allez lire est vraie, seuls les noms ont été changés pour préserver la réputation des innocents.

    Pour ne pas jeter le discrédit sur un ordre religieux qui a souffert et souffre toujours de la situation, nous l’appellerons ordre de St Ores, un saint qui n'existe pas.

    Sr Fausta, soeur orésienne depuis près de vingt ans, a semé le trouble dans plusieurs couvents de Flandres et s'est fait renvoyer d'un autre en Terre Sainte. Elle échoue dans une communauté près de sa fin, joue de son charme et en devient  la supérieure. Elle accueille ses premières novices et impose au couvent un mode de vie déséquilibré. Une relation trouble la lie à l'une d'elle , Alexandra, à qui elle confie prématurément, pas mal de responsabilités. Des novices et une soeur conventuelle préfèrent quitter le monastère et les premières plaintes parviennent aux oreilles des responsables ecclésiastiques.Pourtant deux jeunes filles , Marie-Noëlle et Martine entre dans ce couvent. Elles se trouvent confrontées au caractère manipulateur de leur supérieure et maîtresse des novices.

     

    Mère Fausta martèle à qui mieux mieux : nous sommes pauvres et les pauvres travaillent dur pour gagner leur vie. Ainsi justifie-t-elle le fait d'entreprendre  une à deux fois par an des travaux de réfection où elle fait travailler ses "jeunes" jusqu'à des petites heures, au détriment de leur sommeil et de leur temps de prière. Car ces travaux s'ajoutent au travail ordinaire, rémunérateur ou d'entretien (nettoyage, jardinage, ...)

     

    Certes, le bâtiment est vétuste et mal entretenu, mais tous les travaux entrepris ne se justifient pas. La chapelle est repeinte ou même modifiée tous les deux ou trois ans. On un change un tabernacle de place, on agrandit une porte,... Mère Fausta a un goût prononcé pour le neuf, le clinquant, la surabondance. Il faut une nouvelle machine à coudre pour la roberie ? (l'atelier où l'on coud les vêtements monastiques). Elle en achète six, d'un modèle industriel, trois piqueuses et trois surfileuses. Deux de ces machines vont à l'atelier de vêtements liturgiques. Deux vont à la roberie, deux autres sont en réserve. Or la sœur qui s'occupe de la roberie doit aussi travailler à deux autres ateliers et assumer sa part de travaux d'entretien, elle n'y travaille pas à plein temps. Quant à celle qui l'assiste, elle ne peut pas s'initier, à plus de quatre-vingts ans à la manipulation d'une machine de pointe, assez nerveuse. Le matériel est sous-employé.

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    Soeur Alexandra s'est-elle plainte de mal de dos ? Elle achète un lit médical sur roulette pour Sœur Jacinthe, une nonne âgée que son alter ego aide à se mettre au lit, tous les soirs. Sœur Jacinthe n'est pas heureuse du changement. Le lit est trop haut pour elle. Peu importe.  Mais quand, trois mois plus tard, quand Alexandra a laissé cette tâche à l'une des novices, Mère Fausta fait scier les pieds du lit pour l'abaisser. C'est également sous le même prétexte qu'elle achète un nouveau tracteur-tondeuse alors que l’ancien fonctionne toujours. Sœur Alexandra lui fera remarquer qu'elle ne lui avait rien demandé.


    Les réunions communautaires se résument à une "conférence" spirituelle de Mère Fausta.  Un jour, elle en donne une sur la confession en insistant sur la nécessité d'une bonne préparation. Ce qui ne l'empêche pas de rejoindre une de ses sœurs en train d'attendre son tour devant le confessionnal pour lui faire une scène au sujet ... de la note du dentiste, comme si la nonne était responsable du prix des prestations, surtout que le choix du praticien lui est imposé.

     

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    Souvenez-vous de Sœur Agnès, une religieuse âgée, fille unique qui avait bénéficié d'un congé hors monastère, le temps de prendre soin de ses vieux parents. Lorsque sa mère a rendu son dernier soupir, Mère Fausta l'a contactée pour lui parler ... de l'héritage. Cet argent passera dans la réfection des bâtiments, des embellissements, ... Mais quand la vieille nonne aura besoin d'un appareil auditif, Mère Fausta fera en sorte qu'elle ait le meilleur marché et le moins performant.

     

    Mère Fausta sait comment manipuler son entourage pour remplir ses caisses. Elle envisage l'achat d'un four électrique pour la boulangerie ? Elle demande "conseil" au père abbé d'un monastère avec laquelle elle est parfois en contact. Elle sait si bien exposer son cas, que le vieil abbé veut faire un geste envers ce monastère, qui d'ailleurs n'est pas de son ordre. Un autre supérieur d'un autre ordre a vu l'état de délabrement des bâtiments, il ne se contente pas de lui passer commande hebdomadaire de pains pour son monastère ou de lui confier la reliure de toutes les revues de sa communauté, il lui envoie son propre comptable et lui fait un don mensuel très conséquent, équivalent à deux fois et demi le salaire d'un infirmier ou d'un instituteur débutant.

     

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    Mais cela ne se limite pas là. Il y aura aussi des dons ponctuels, des prêts sans intérêts, etc. pour financer les travaux incessants du couvent. Le vieil abbé finit par être remplacé et son successeur est moins enclin à lune telle générosité.  C'est que son monastère a avancé les fonds pour la reconstruction d'un nouveau cloître. Mère Fausta en a profité pour faire refaire la bibliothèque et une bonne partie de la toiture. Le montant des travaux avoisine à trois fois le prix d'une grande maison. Et comme cela ne peut éteindre la soif d'agrandissement de la religieuse fantasque, elle a également fait construire de nouveaux ateliers.

     

    Lorsque Sœur Valérie est près de faire ses vœux temporaires, elle lui fait signer un document qui transfère les biens de la jeune femme au monastère, condition sine qua non, selon elle, pour que la novice puisse faire sa profession. Et pourtant, canoniquement, il n'en est rien. La profession temporaire implique des vœux simples durant lesquels le religieux garde la propriété de ses biens mais en confie la gérance à qui il veut. Quand sœur Valérie, bien plus tard quittera les ordres, sans avoir prononcé de vœux perpétuels, il lui faudra faire des pieds et des mains pour récupérer cette somme, par petites mensualités, sans les intérêts et ... frais dentaires et prix de lunettes déduits, une autre infraction aux lois monacales.

     

    Mère Fausta prend prétexte d'une parole du nouveau père abbé pour rénover entièrement l'atelier de reliure, l'équiper de nouvelles machines, sans trop tenir compte des premières intéressées celles qui y travaillent, ni des élections qui se préparent et qui vont apporter un grand bouleversement dans la vie de la communauté, comme si elle se trouvait dans une position indéboulonnable. 

     

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    Les responsables des finances de l'abbaye créditrice rendent visite à la supérieure et lui font une proposition pour recouvrir l'argent prêté : qu'elle leur cède des titres placés en bourse par les bons soins de l'abbaye. Sans même consulter les conseillères ou le chapitre, elle accepte. Elle se contente d'annoncer la chose avec un sourire béat à la communauté. Hormis le fait que les constitutions de son ordre ne lui permettent pas de disposer à son gré de la somme ainsi cédée, les titres en question sont constitués des dots des sœurs. Mère Fausta prend tout simplement prétexte que le nouveau code de droit canonique n'en demande plus pour disposer de cet argent à sa guise, contrairement aux usages religieux. Ceux-ci veulent que la somme de la dot soit entièrement remise à la sœur qui quitte les ordres, mais sans les intérêts.

     

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    épisode 8,  épisode 9


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  • Le film de Philippe Agostini sortit sur les écrans en 1960, il y a plus de cinquante ans. Il est inspiré de la nouvelle de Gertrud von Le Fort " La dernière à l'échafaud" et de l’œuvre posthume de Bernanos qui en écrivit les dialogues.

    On y raconte qu'une novice du carmel de Compiègne qui avait d'abord fui devant la perspective d'une mort violente rejoignit ses soeurs au pied de la guillotine. Si les carmélites de Compiègne ont bel et bien été exécutées durant la Terreur, en 1794, elles n'avaient aucune novice du nom de Blanche de la Force, sœur Blanche de l'agonie du Christ.

     

    le dialogue des carmélites

     

    Les faits qui ont inspiré le film, comme la pièce de théâtre et l'opéra se sont déroulés à Compiègne puis à Paris de 1789 à 1794. L'assemblée nationale ayant suspendu les vœux des religieux, Sr Constance ne put faire sa profession. Malgré les protestations de sa famille (son frère tenta de l'emmener avec lui) elle préféra rester au couvent, avec ses consœurs. En 1792, les carmélites furent expulsées de leur couvent. Elles vivèrent alors en petits groupes, dans des maisons qui communiquaient entre elles et continuèrent cachément leur vie religieuse. Elles furent arrêtées en 1794, incarcérées durant quelques semaines, puis conduites à Paris pour y être jugées et guillotinées. Trois soeurs qui avaient dû s'absenter pour des raisons familiales échappèrent à l'arrestation et à la mort. L'une mourut de mort naturelle, on aurait perdu la trace d'une seconde, quant à la dernière, Marie de l'Incarnation, elle survécut, après avoir traversé bien des épreuves, et parvint à récolter des documents et des témoignages sur le martyr de ses consœurs.

     

     

    Revenons-en au film, à présent. Est-il vraiment utile de préciser qu'il ne faut pas y chercher un parfait tableau de la vie religieuse ou même de la vie carmélitaine ? Allons, sacrifions à l'habitude de relever les incohérences. Le film fait débuter la vie religieuse avec la prise d'habit et ignore l'étape du postulat. Les deux jeunes candidates reçoivent un crucifix, alors que c'est le signe de la profession, et un anneau qu'elles mettent elles-même au doigt. Outre le fait que l'anneau se reçoit à la profession, les carmélites n'en portent pas.

     

    le dialogue des carmélites

    On ne tient pas une récréation dans les cloîtres, ni au préau, mais on peut la faire au jardin. On ne parle pas dans les lieux réguliers, c'est à dire dans les couloirs, le réfectoire, la chapelle, le chœur. L'échange de paroles se limite au minimum la plupart du temps sauf au moment des récréations, qui suivent les repas. On ne mange pas non plus sans permission et Sr Constance manque gravement aux règles en dévorant quatre pommes. Quant à regarder par dessus le mur de clôture, c'est loin d'être considéré comme une peccadille à l'époque. La prieure déclare que la règle autorise une sœur à voir sa famille. C'est vrai, mais les parloirs et leur fréquence sont régulés et n'ont pas lieu la nuit, temps du grand silence. Les tourières, à l'époque, n'étaient pas des religieuses mais des servantes laïques.

     

    Les grilles et les portes sont solides et ne se déforment pas sous la poussée d'une foule en délire. Il aurait fallu un marteau pour les démanteler et autre chose qu'une poutre de bois pour enfoncer une porte de clôture. Si un ange transperce le cœur de Thérèse d'Avila, ce n'est pas avec un glaive, mais une lance au bout enflammé et ce n'est pas pour la faire mourir, mais pour la consumer d'amour. L'épisode est assez connu au Carmel pour faire l'objet d'une fête. On se demande pourquoi une novice l'ignorait. Autrefois, les carmélites prononçaient leurs voeux au chapitre, devant la communauté, sans la présence d'un prêtre. La cérémonie publique était la prise de voile, au cours de laquelle on leur remettait le voile noir. Les carmélites ne dorment pas sur une simple planche de bois. Même autrefois, elles disposaient d'une paillasse. Il n'y a pas de crâne dans leur cellule. Le crâne trônait au réfectoire.

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    Passons au chapitre vestimentaire dont raffolent certains lecteurs de ce blog. Le costume très séant porté par les actrices n'est pas celui des carmélites. Celles-ci portent une toque qui laissent leur front dégagé et attachent leur voile à un doigt du bord de leur coiffe. Le scapulaire est passé sur la toque, les bretelles sont apparentes. Elles portent une ceinture de cuir et non de corde qui est un apanage franciscain. Le voile qu'elles portaient pour masquer leur visage était de toile et non de gaze. Elles voyaient au travers (faites l'expérience !) mais leurs vis à vis ne distinguaient pas leurs traits. Ce voile était de la même couleur que leur voile du dessous. Les novices et les converses en portaient un blanc.

     

     

    Mais au fait, tout cela a très peu, vraiment très peu d'importance. Parce que le film n'est pas à prendre au premier degré, comme une relation exacte des faits, mais au second degré, comme une réflexion sur notre regard face à la mort. Rappelons que Bernanos qui écrivit les dialogues n'a jamais vu le film. Il était aux prises avec la maladie qui allait l'emporter quand il rédigea cette œuvre. On la découvrit après son décès.

     

    le dialogue des carmélites

    Passons sur le fait que les novices ou les nonnes font la causette dans le cloître ou là où elles ne le devraient pas, écoutons plutôt ce qu'elles racontent. Le personnage de Blanche de la Force n'a jamais existé. C'est simplement l'incarnation de nos peurs, de notre angoisse face à la mort. La réflexion sur l'opportunité du sacrifice, du martyr s'élève bien au-dessus d'une histoire de régularité, d'habits et de chiffons. Le nœud, le cœur de la trame se trouve bien là. Est-il opportun, indiqué, utile, de mourir en martyr ? D'ailleurs, à y regarder de plus près, chacun des ces rôles représente, non un personnage historique, mais un état d'esprit.

     

    La mère prieure incarne la voix de la prudence et de la raison. Elle ne cherche pas la mort pour elle-même. Elle est juste prête à assumer les conséquences de ses engagements. Il lui importe d'abord de préserver la communauté.  Elle ne prononce pas le vœu de martyr, elle le juge même inconsidéré. Elle envisage un déménagement pour soustraire "ses filles" au danger. Elle vise d'abord la préservation de la vie de ses sœurs et de la vie de l'ordre.

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    Mère Marie de l'Incarnation offre sa voix à une certaine radicalité qui frise l'intransigeance. Elle voit dans le cours que prennent les événements un signe de la volonté divine. Pour elle, il ne fait pas de doute que Dieu attend ce sacrifice d'elle et de ses consœurs. S'y dérober, chercher à y échapper serait de la lâcheté. Elle profite de l'absence de la prieure et des menaces plus pressantes sur la communauté pour lui faire prononcer un vœu de martyr. Elle pousse Blanche de la Force à s'y montrer fidèle et s'apprête à regagner ses consœurs condamnées à mort.

     

    Lorsque Blanche rencontre Mère Marie, elles portent toutes les deux le même type de vêtement : une collerette blanche et un fichu noir qui rappelle leur tenue monacale. L'une veut aller au devant de la mort, l'autre recule, effrayée, se demandant quel sens cela peut avoir. Ces deux personnages incarnent ce qui a pu se passer dans la tête et dans le cœur de ces femmes qui ont été confrontées, un jour, à la conséquence de leurs engagements. On pourrait même y voir les deux facettes d'une même personne face à un choix crucial.

     

    le dialogue des carmélites

    Dans la réalité, les carmélites de Compiègne n'ont pas fait ce vœu de martyr, mais elles ont offert solennellement leur vie  à Dieu, en sacrifice, et ont renouvelé chaque jour cette oblation. Sans nulle doute, certaines ont dû trembler et frémir devant ce que cela pouvait impliquer.

     

    Le film se termine en inversant les routes toutes tracées car nul ne choisit son destin ou sa mort. Mère Marie de l'Incarnation est empêchée de réaliser son vœu, l’aumônier la retient; en effet, elle doit vivre pour perpétuer le carmel. La prieure qui n'a pas fait ce vœu, le réalise en acceptant le cours des choses et fait courageusement face à sa destinée. Elle accompagne ses sœurs et les soutient dans leur chemin vers le martyr, elle les aide à mourir dignement.

     

    Quant à Blanche de la Force, elle se montre enfin digne du nom que lui a donné l'écrivaine qui l'a créée, au fait son propre nom: von Le Fort. La vieille prieure qui l'avait accueillie est morte dans l'angoisse pour que la jeune novice puisse aller d'un pas allègre vers l'échafaud. Les deux femmes semblent avoir échangé leur mort comme on échange un vêtement au vestiaire, écrira Bernanos. Elle rejoint le groupe des condamnées, reçoit le manteau de la prieure et gravit en chantant l'escalier qui mène à la guillotine. Avec ce personnage, c'est la peur elle-même qui s'éteint ou plutôt qui est transcendée. Au delà de la mort inéluctable, reste la force de caractère pour faire face aux événements funestes, la confiance en Dieu et la foi en la vie éternelle.


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  • Mon âme se repose en paix sur Dieu seul

    De lui vient mon salut

    Oui, sur Dieu seul, mon âme se repose

    Se repose en paix.

     

     

     

     

     

     

    Psaume 67 par le Wesminster Abbey Choir



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