• Miserere, d'Allegri


     

    Ps 51  Au chef des chantres. Psaume de David. 2 Lorsque Nathan, le prophète, vint à lui, après que David fut allé vers Bath-Schéba.
    3 O Dieu! aie pitié de moi dans ta bonté;
    Selon ta grande miséricorde, efface mes transgressions;
    4 Lave-moi complètement de mon iniquité,
    Et purifie-moi de mon péché.
    5 Car je reconnais mes transgressions,
    Et mon péché est constamment devant moi.
    6 J’ai péché contre toi seul,
    Et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux,
    En sorte que tu seras juste dans ta sentence,
    Sans reproche dans ton jugement.
    7 Voici, je suis né dans l’iniquité,
    Et ma mère m’a conçu dans le péché.
    8 Mais tu veux que la vérité soit au fond du cœur:
    Fais donc pénétrer la sagesse au-dedans de moi!
    9 Purifie-moi avec l’hysope, et je serai pur;
    Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige.
    10 Annonce-moi l’allégresse et la joie,
    Et les os que tu as brisés se réjouiront.
    11 Détourne ton regard de mes péchés,
    Efface toutes mes iniquités.
    12 O Dieu! crée en moi un cœur pur,
    Renouvelle en moi un esprit bien disposé.
    13 Ne me rejette pas loin de ta face,
    Ne me retire pas ton Esprit saint.
    14 Rends-moi la joie de ton salut,
    Et qu’un esprit de bonne volonté me soutienne!
    15 J’enseignerai tes voies à ceux qui les transgressent,
    Et les pécheurs reviendront à toi.
    16 O Dieu, Dieu de mon salut! délivre-moi du sang versé,
    Et ma langue célébrera ta miséricorde.
    17 Seigneur! ouvre mes lèvres,
    Et ma bouche publiera ta louange.
    18 Si tu avais voulu des sacrifices, je t’en aurais offert;
    Mais tu ne prends point plaisir aux holocaustes.
    19 Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c’est un esprit brisé:
    O Dieu! tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit.
    20 Répands par ta grâce tes bienfaits sur Sion,
    Bâtis les murs de Jérusalem!
    21 Alors tu agréeras des sacrifices de justice,
    Des holocaustes et des victimes tout entières;
    Alors on offrira des taureaux sur ton autel.


     

    When I survey the wondrous cross
    On which the Prince of Glory died,
    My richest gain I count but loss,
    And pour contempt on all my pride.

    Forbid it, Lord, that I should boast,
    Save in the death of Christ my God,
    All the vain things that charm me most,
    I sacrifice them to His blood.

    See from His head, His hands, His feet,
    Sorrow and love flow mingled down,
    Did e'er such love and sorrow meet,
    Or thorns compose so rich a crown?

    His dying crimson, like a robe,
    Spreads o'er His body on the tree;
    Then I am dead to all the globe,
    And all the globe is dead to me.

    Were the whole realm of nature mine,
    That were a present far too small;
    Love so amazing, so divine,
    Demands my soul, my life, my all.

     



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  • Comme toujours, l'histoire que vous allez lire est vraie, seuls les noms ont été changés pour préserver la réputation des innocents.

    Pour ne pas jeter le discrédit sur un ordre religieux qui a souffert et souffre toujours de la situation, nous l'appelerons ordre de St Ores, un saint qui n'existe pas.

    Episodes précédents : Sr Fausta, soeur orésienne depuis plus de quinze ans,  a semé le trouble dans plusieurs couvents de Flandres.Après son renvoi d'un couvent en Terre Sainte, elle échoue dans une communauté près de sa fin, joue de son charme et en devient  la supérieure. Elle se met en tête de faire revivre le couvent et accueille ses premières novices. Une relation trouble la lie  à l'une d'entre elle, une quadragénaire caractérielle, Alexandra.

     

     

    Les choses fonctionnent désormais à l'envers, chez les soeurs de saint-Hilaire. La communauté est divisée de fait en deux groupes : les anciennes et le noviciat. Le noviciat lui-même est divisé : les deux premières novices et les plus jeunes.  Et parmi les deux premières novices, Alexandra a la préférence de Mère Fausta.

    Celle-ci profite de l'arrivée des forces vives pour donner un nouvel élan au monastère. Elle relance l'atelier de couture qui végétait et en confie la responsabilité à Sr Pauline, encore au noviciat. Elle en ouvre de nouveaux : boulangerie, reliure, cierges, icônes... Cela fait pas mal de travail pour seulement quatre jeunes soeurs.  Soeur Alexandra devient responsable de la boulangerie, des icônes et de la reliure en plus de l'économat et de l'infirmerie. Soeur Magda se voit confier la cuisine et les cierges, un atelier de moindre importance. Quant à Soeur Ria qui s'accroche trop souvent avec Soeur Alexandra, elle reste laissée pour compte et se sent défavorisée.

     

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    De fréquentes disputes l'opposent à son aînée et, si la maîtresse des novices désaprouvre du bout des lèvres les colères de celle-ci, elle lui donne toujours raison sur le fond. Et pourtant Soeur Alexandra peut sortir à ce point de ses gonds qui lui est arrivé de lancer de l'eau bouillante sur soeur Ria. Les autres novices vivent aussi dans la crainte de ces violentes sautes d'humeur. Sr Magda essaie de ménager la chèvre et le chou, mais elle sent que les choses ne tournent pas rond et qu'on veut lui faire considérer comme normale une situation qui ne l'est pas.

    Mère Fausta est une personne enjôleuse et susceptible qu'un rien peu faire changer d'humeur. Elle peut se montrer désinvolte et complice, un rien cabotine et l'instant d'après, pour une broutille, couvrir ses soeurs de reproches, se poser en victime, en objet d'incompréhension. Elle tient son monde par un subtil chantage affectif recouvert d'un vernis de spiritualité. 

     

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    A l'ouverture des nombreux nouveaux ateliers s'ajoutent les travaux de réfection du couvent. Les bâtiments ont été mal entretenus durant quelques décennies et Mère Fausta veut remettre les choses en état. Après la chapelle, c'est autour du réfectoire. Et comme les caisses ne se remplissent pas assez vite, les jeunes forces sont mises à contribution. Au détriment de leur santé. On rogne sur le temps de prière, de formation, de sommeil. Il arrive que des travaux de peinture se terminent tard dans la nuit. Et cela régulièrement.  Les jeunes soeurs ont plus de travail à abattre que ne leur permet leur horaire.

    Les rapports entre Sr Alexandra entre sa supérieure et maîtresse des novices sont loin d'être limpides. Les deux femmes passent leur temps à se disputer et à se raccommoder. Sr Alexandra doute-t-elle de sa vocation ? Toujours est-il que Soeur Magda l'entend passer, tard le soir, devant sa porte et rejoindre sa supérieure dans sa cellule pour tenir d'interminables conversations jusqu'aux petites heures de la nuit.

     

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    Mère Fausta ne se contente pas de cumuler les fonctions de supérieure et de maîtresse des novices. Elle garde la main mise sur leur formation. Hors de question d'envoyer les jeunes religieuses suivre des sessions organisées par son ordre ou pour les contemplatives en général. Elle proclame bien haut que cela va à l'encontre de la clôture monastique. Pourtant cela ne l'empêche pas d'envoyer ces mêmes novices passer une semaine à l'hôtellerie d'un monastère de rite oriental pour suivre quelques conférences donnés par des moines dans lesquels elle a toute confiance. Elle a trouvé chez eux de quoi de rénover la liturgie bien pauvre de son couvent et les fastes de ces rites n'est pas pour déplaire à Soeur Alexandra. Cette mise à niveau par de la liturgie se déroule dans la même vague d'excès et de désordre. A côté de leur travail harassant, les jeunes soeurs vont aussi devoir se mettre à de longues séances de répétition.

     Deux autres jeunes filles se présentent entre temps aux portes du monastère. Marie-Noëlle n'a pas encore vingt ans, elle est l'aînée d'une famille nombreuse très engagée dans le renouveau charismatique. Elle a quitté l'école à seize ans et n'exerce aucune profession. Elle cherche sa voie et visite plusieurs monastères afin de trouver ce qui pourrait lui convenir. On l'admet pour un court stage en clôture puis elle reprend ses pérégrinations. Martine est en cours aux études. Ses parents s'opposent à son projet de se faire nonne qu'elle nourrit depuis l'aube de son adolescence. Son père spirituel et les personnes qui l'accompagnent lui ont conseillé de décrocher un diplôme avant de s'engager dans la vie religieuse.

     

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    Un énième différend qui oppose Soeur Ria à sa supérieure à propos de Sr Alexandra conduit Mère Fausta a prendre une solution expéditive : elle la renvoie sans même lui donner le temps de rassembler ses effets. L'ancienne novice se retrouve dehors, sans rien, dans une hôtellerie d'un autre monastère qui accepte de l'héberger. Quand Ria raconte au père Berthold ce qui se passe à l'intérieur des murs de St Hilaire, le religieux reste sans voix. Il vient lui même rechercher les affaires de sa protégée.

     

    Les rumeurs de désordre parviennent jusqu'aux oreilles de l'évêché. Une soeur apostolique veut s'essayer à la vie contemplative. Elle commence un noviciat chez les soeurs de saint-Hilaire et en ressort épuisée, il faut l'hospitaliser. Une fois rétablie, elle fait un nouveau stage chez les soeurs orésiennes d'un autre couvent, à sainte-Barbe. Elle raconte ce qu'elle a vu et vécu au monastère de saint-Hilaire. La maîtresse des novices en est horrifiée.

     

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     Soeur Angeline est l'une de celle qui a quitté son monastère d'origine pour aller "aider" à saint-Hilaire. Elle n'a pas un caractère facile et s'accommode mal de tous ces changements. Avec le temps et les nouvelles responsabilités qui lui incombent, la vraie nature de Mère Fausta a refait surface, à la fois mielleuse et tyrannique, imbue de l'importance que sa fonction lui confère. Les caractères se frottent et font des étincelles. L'ancienne se retire une semaine à l'hôtellerie d'un monastère d'un autre ordre. Là, on lui prête de quoi écrire et des timbres. Elle envoie une relation des choses à l'évêché.

    C'est au tour de l'autre novice, soeur Magda, de s'en aller. L'échéance de sa première profession approche et elle ne sent pas à sa place à saint-Hilaire. Ce n'est pas seulement à cause de la démesure dans lequel vit le couvent. C'est aussi une affaire de spiritualité. Le mode de vie des soeurs orésiennes ne lui convient pas. Elle avait hésité entre cet ordre et celui des clorettines. Malgré les pressions et l'habile chantage affectif de la supérieure, elle fait ses paquets et s'en va.

     

    Le prélat chargé des religieuses, Mgr Lebouc, intervient, mais mollement. Il transfère soeur Angeline à sainte-Barbe. il fait une visite canonique mais n'envoie pas son rapport à Rome. Il se contente de morigéner sévèrement Mère Fausta et de lui interdire d'accepter des novices, Il ne la dépose pas de ses fonctions et il ne réagit pas quand elle passe outre de son interdiction et qu'elle accepte, à nouveau, d'autres candidates à la vie religieuse. Mgr Lebouc veut éviter à tout prix de fermer un couvent. A tout prix. Et ce prix va être lourd en vies abimées.

    Crédit photos: Cuture pub; photos personnelles.

    Episode 1 , épisode 2épisode 3épisode 4épisode 5


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    Avec la communauté de Taizé

     

     

    Nada te turbe, nada te espante ; quien a Dios tiene nada le falta

    Nada te turbe, nada te espante, solo Dios basta

     

    Que rien ne te trouble, que rien ne t'épouvante, à qui possède Dieu, rien ne manque

    Que rien ne te trouble, que rien ne t'épouvante, Dieu seul suffit.

     



    Bleibet hier und wachet mit mir.
    Wachet und betet, wachet und betet.

    Restez ici et priez avec moi

    Restez et priez, restez et priez.

     

     

     

    Mon âme se repose en paix sur Dieu seul

    De lui vient mon salut

    Oui, sur Dieu seul, mon âme se repose

    se repose en paix.

     

     

     

     

    Avec The choir of King's College



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  • Au milieu des années quatre-vingts, on présente dans la célèbre émission de Bernard Pivot, qui ce soir-là, a pour thème "femmes enfermées", l'autobiographique d'une ancienne novice des clarisses. Tout du moins, prétend-elle en être une. La relation est haute en couleur : mesquineries, mortifications d'un autres âge, privation de nourriture, etc. Le récit est effarant. Dans les mois qui suivent la parution de l'ouvrage, des émissions radiophoniques collectent une série de protestations indignées des amis du monastère des clarisses incriminé, qui s'élèvent pour laver l'honneur des nonnes.

     

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    Il est vrai que, tant qu'on n'a pas vécu dans un monastère, on ne peut pas savoir ce qui s'y passe. Tout de même, l'évêque dont dépend ce couvent, prend la défense de la communauté, et relève les différentes inexactitudes de l'ouvrage. L'une de ces contre-vérités, et non la moindre, est que l'auteure n'a jamais été clarisse et n'a jamais mis les pieds dans la communauté dont elle dresse un portrait peu flatteur.  Elle a recueilli les confidences d'une amie, qui y avait commencé un noviciat, et les a consignées dans un roman, car c'est bien le terme qu'il convient de donner à ce livre. Au passage, elle ne s'est pas gênée pour arranger les faits d'une façon à donner plus de piment à son ouvrage.

     

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    Différents articles dénoncent l'imposture dans la presse spécialisée des milieux religieux (cf la Vie Spirituelle n° 670, p 400).  La jeune auteure finit par reconnaître elle-même, publiquement, qu'elle n'a jamais été novice, ni là, ni ailleurs, tout au plus a-t-elle passé quelques mois dans un monastère italien, et que ce qu'elle présente pour une autobiographie n'en est pas une. Ni l'évêque, ni les nonnes ne jugent opportun d'intenter un procès en diffamation contre l'écrivaine et sa maison d'éditions. Décision regrettable, car près de trente ans plus tard, le livre se vend toujours avec la mention "autobiographie" et des lecteurs, faute d'informations correctes, prennent le récit pour argent comptant.

     

    Crédits photos : culture pub, captures d'écran.


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  • Puisqu'un film, inspiré de son roman, sortira en salle au printemps prochain, [article rédigé en février 2013] penchons-nous sur cette oeuvre. Avant de parler de La religieuse de Diderot, il faut parler de la soeur religieuse du même Diderot. En effet,  Angélique, la soeur du philosophe,est entrée vers l'âge de dix-neuf ans chez les Ursulines. Personne ne l'y a poussée, ses parents se sont même employés à l'en dissuader. Elle y meurt folle, une dizaine d'années plus tard. L'austérité de la vie monacale est sans doute la cause de son aliénation et de son décès précoce.

     

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    Diderot commence son roman douze ans après le décès de sa soeur. C'est qu'une autre affaire fait jaser dans les salons. Une certaine Marguerite Delamarre en a appelé au parlement, c'est à dire au tribunal, contre ses voeux. N'oublions pas que nous sommes à une époque qui ne connaît pas la séparation de l'Eglise et de l'Etat.  Cette nonne est entrée en religion parce que sa mère l'a convaincue d'expier ainsi sa naissance adultérine. Marguerite Delamarre est déboutée de sa demande et finit ses jours au couvent.

     

    cinéma,la religieuse de diderot

     

    Ce qui va devenir au roman est, au point de départ, un canular. Diderot veut convaincre un de ses amis, le marquis de Croismare, de revenir à Paris et, pour l'en persuader, il lui envoie la requête d'une certaine Suzanne Simonin, cloîtrée contre sa volonté qui , déboutée de sa requête d'être relevée de ses voeux, a fini par s'enfuir et se tient terrée dans l'attente d'être secourue. Le texte final du roman est en ligne, on le trouve sur wikisource.

     

    Mais qu'en est-il pour le fond du texte ? Quelle est la part de vérité ? On ne doit pas perdre de vue que Diderot est fortement anticlérical et ce serait une erreur de considérer sa prose comme une peinture exacte de la vie des monastères au XVIIIe siècle. Il faut d'abord se resituer dans l'époque où les religieuses sont moins nombreuses que les religieux, et, proportionnellement, beaucoup moins nombreuses qu'elles ne le seront à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Ce qui fait dire à certains que la "crise des vocations", tout du moins, en ce qui concerne les nonnes, n'est jamais qu'un retour à la normal après une explosion de vocations inhabituelle dans l'histoire.

     

     

    Force-t-on ses enfants à entrer dans les ordres contre leur gré, sous l'Ancien Régime ? La réponse est positive, mais les cas sont beaucoup moins fréquents que ne le laissent supposer certains libertins et ils touchent davantage les garçons que les filles. Il faut savoir qu'un religieux, à cette époque, n'hérite pas. On a donc tout intérêt à encourager à se cloîtrer les enfants d'un premier lit quand il y a remariage, pour avantager les enfants du nouveau conjoint. Certains parents usent de moyens de persuasion assez musclés : enfermement, coups, menaces de déportation aux Amériques, ou d'enrôlement dans l'armée pour les garçons.

     

    Accueillir des vocations forcées peut s'avérer un choix regrettable pour un couvent. En effet, certaines nonnes-malgré-elles peuvent mener la vie dure à leurs consoeurs et semer le trouble dans la communauté, refuser de s'en tenir aux règles et être cause de scandales. Parfois, les religieux doivent requérir au bras séculier pour calmer les forcenés.

     

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     Le cas inverse semble être plus fréquent : au XVIIIe siècle, il y aurait plus de vocations contrariées que de vocations forcées, plus de jeunes filles qui doivent vaincre l'opposition de leurs parents pour prendre le voile que de parents qui contraignent leur fille à se faire nonne.

     

    Entre ces deux extrêmes, il y a une situation intermédiaire qu'on peut raisonnablement supposer. Certains monastères, à cet époque, sans être réellement relâchés, offrent une vie relativement commode de dames en chambre. Le couvent peut s'avérer une voie honorable à celles qui ne tiennent pas à contracter mariage ou qui ne le peuvent pas, à cause d'un revers de fortune, d'un accident de santé, etc. Les filles qu'on ne peut caser nulle part,  peuvent s'accommoder d'une vie de dévotion qui leur laisse une liberté relative, sans avoir une réelle vocation.

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    C'est ce qu'on peut déduire quand on voit le train de certaines de ces dames à l'époque. Ainsi les cisterciennes d'Herkenrode refusent d'adopter l'habit de leur ordre pour garder leur tenue noire qu'elles jugent plus seyantes. On voit leur coiffe, au fil des siècles, s'empeser et se courber pour mettre en valeur leur figure, avec beaucoup de coquetterie . Elles refusent de s'assujettir à une clôture étroite qui, selon elles, feraient fuir les candidates. Les abbesses vivent dans de petits palais et ont leurs aises. En dehors de celui de dire l'office, les moniales capitulantes n'ont pas de réelles obligations contraignantes.

     

    Revenons-en à l'oeuvre de Diderot.  Le roman, rédigé par épisodes, ne sera édité qu'à titre posthume en 1796. Dans les années soixante, le réalisateur Jacques Rivette en entreprend une adaptation cinématographique. Mais le film se heurte à la censure avant même sa sortie en salle. On tente de l'interdire. L'oeuvre est considérée comme blasphématoire et déshonorante pour les religieuses. Le film finit par être autorisé en 1967 mais interdit au moins de dix-huit ans. On peut le trouver actuellement en entier sur la toile, avec des sous-titres en espagnol.  Il est probable qu'il ne restera pas très longtemps en ligne.

     

     

    Le film colle plutôt au texte de Diderot, mais il prend le parti d'inverser la fin du roman. En effet, dans le texte, Suzanne, après sa fuite, atterrit dans un milieu libertin qu'elle fuit pour préserver sa vertu et se retrouve à travailler comme blanchisseuse. Dans le film, elle passe du statut de blanchisseuse à celui de mendiante pour finir par se retrouver parmi des libertins et préfère se donner la mort. L'ensemble du film est marqué par une étonnante sobriété et la réalisation est novatrice pour l'époque, même si, aujourd'hui, on peut trouver l'ensemble vieilli.

     

    Dernièrement, j'ai appris qu'une nouvelle adaptation venait d'être tournée [l'article a été rédigé en février 2013] et avait été présentée dans un festival. À en juger par la bande annonce, le ton est tout autre. La Suzanne de Rivette est forte et empreinte de dignité dans son malheur. Celle de Nicloux adopte, tout au long de la bande annonce, un ton larmoyant.

     

    Naturellement, il faudrait avoir vu le film en entier pour en juger. Seulement, rien que dans la bande annonce, on relève pas mal d’éléments incohérents. La première chose qui fait mal aux yeux, ce sont les costumes des nonnes. Je ne connais aucun ordre, aucune congrégation qui a un habit aussi ... haut en couleur que celles du premier couvent. Même en glanant sur la toile, je ne trouve aucune trace d'un ordre portant un habit bleu-gris une guimpe carrée et arborant un scapulaire écru aux allures de cuculle. Tout au juste ai-je appris l'existence de l'ordre des religieuses de la pénitence de Jésus-Christ, dites "sachettes" parce qu'elles paraissaient vêtues d'un sac. Elles ont disparus de Paris vers la fin du XIIIe siècle. Certains disent que leur habit était bleu ou gris, sans en être sûrs.

     

     

     Alors de quoi s'est inspiré le réalisateur ? Je ne demande qu'à l'apprendre. L'héroïne de Diderot est censée être entrée à Longchamps, une abbaye de clarisses. Je ne connais aucune clarisse avec un habit semblable. D'ailleurs, ces nonnes portent une ceinture de cuir et non une corde, la marque de la famille franciscaine.

     

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    Ces soeurs ont une guimpe carrée comme les Visitandines, les couleurs de leur habit sont l'inverse des annonciades célestes (ou célestines) qui portent un habit blanc avec un scapulaire et un manteau bleus. Dans ces deux familles religieuses, comme dans beaucoup d'autres, on utilisait, autrefois, un drap mortuaire lors de la profession religieuse.

     

     

     

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    La cérémonie de profession n'est pas mal non plus dans le genre. Cinq filles s'apprêtent à faire prononcer leurs voeux avec une étrange coiffe sur la tête. Il est vrai que la cérémonie de profession reprenait autrefois celle de la prise d'habit, ce n'est pas pour autant qu'on laissait guimpe et voile au vestiaire. C'est plutôt la ceinture qu'on aurait laissée de côté, puisqu'elle est un élément constitutif de l'habit. Quant au fameux drap mortuaire, c'était après avoir prononcé les voeux et pris le voile noir que les nouvelles professes en étaient recouvertes, et pas avant.

     

    Le nombre de candidates à la profession est assez ahurissant. Il suffit d'un rapide calcul pour se rendre compte de l'incohérence. Cinq nouvelles nonnes par an entraineraient un accroissement exponentiel de la communauté.  A moins que les soeurs ne tombent comme des mouches, une fois leurs voeux prononcés, il faudrait compter sur une communauté de deux cents nonnes.

     

     

     Sur cet extrait, je compte une quinzaine de novices pour une trentaine de professes, un déséquilibre important. Les novices représentent deux cinquièmes de la communauté, ça ne tient pas la route. Une nonne ne passait qu'un an au noviciat à cette époque, deux ans, dans certains ordres, parti que prend Diderot. Si la nonne entre au noviciat à dix-huit ans et qu'elle décède à soixante ans, elle passe un vingtième de sa vie religieuse au noviciat pas deux cinquièmes. Une abbaye du XVIIIe siècle n'est pas la maison mère d'une congrégation apostolique du XIXe siècle qui envoie des novices à ses filiales une fois leur voeux prononcés. Nous ne sommes pas dans "Au risque de se perdre" !

     

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    Autre détail cocasse, si les pensionnaires et les novices ont la place qui leur revient au réfectoire, on les retrouve pêle-mêle au choeur. A la chapelle, en procession comme au réfectoire, les nonnes se rangent par rang de profession et, pour les novices, par date d'entrée au couvent. On devrait logiquement trouver regroupées les pensionnaires et les novices, encadrées seulement des professes qui ont la charge de s'en occuper.

    Un autre détail qui fait sourire, c'est la façon dont Suzanne arrache sa guimpe et son voile,  sans la dénouer ou sans enlever l'épingle. Somme toute, la meilleure façon de se faire mal. De même, un scapulaire à bretelles doit être maintenu par des épingles, sinon il ne tient pas en place, il va de droite à gauche et le désordre dans la tenue est fort mal vu chez les nonnes.

      

     

    Question costumes, on s'y retrouve mieux pour le second monastère. En effet, Saint-Eutrope était, à l'époque, un couvent d'annonciades et, à quelques détails près, c'est l'habit des annonciades qu'arbore Isabelle Huppert. Diderot semble ignorer que ce couvent, sis à Arpajon, était consacré au soin des malades. D'ailleurs, l'écrivain a écrit sainte-Eutrope au lieu de saint-Eutrope. Je ne m'attarderai pas sur l'épisode de l'abbesse saphique. Penser que les couvents de femmes sont peuplés de lesbiennes relève du phantasme. La proportion d'homosexuels est la même au cloître qu'ailleurs. D'ailleurs, il est plus courant de voir une sexualité refoulée que déclarée chez les religieux de cette orientation. La supérieure de sainte-Eutrope a-t-elle été inspirée par Louise-Adélaïde, fille du régent, devenue abbesse de Chelles ? Pour le moment, je n'ai encore rien trouvé de convainquant pour l'étayer. La personnalité de l'abbesse de Chelles est loin de faire l'unanimité.

     cinéma,la religieuse de diderot,rivette,nicloux

     

     

     

    Crédits photos: Marie de L'incarnation, libre de droits ; The nun's story, WB ; La religieuse, Jacques Rivette, captures d'écran ;La  relgieuse, Nicloux, captures d'écran; Barbara de Rivière d'Arschot, grootheers.be ; dessin d'anonciade d'après photo, portrait de Jeanne de Valois, libre de droits; Le diaalogue des carmélites, P.Agostini, captures d'écran; Reucueil de tous les costumes des ordres, tome 4,Googlebooks.


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